Le jeu de la dame
Dans les années 50, suite au décès de sa mère dans un accident de la route et en l'absence de père légitime, Beth Harmon, 9 ans, est placée dans un orphelinat catholique du Kentucky. Seule lueur d'espoir au milieu d'un quotidien bien morne où les enfants sont sédatés, ses parties d'échecs endiablées avec le gardien des lieux, en cachette de tous.
Composée de sept épisodes, adaptation du roman éponyme de Walter Tevis paru en 1990 chez Albin Michel, la mini‑série The Queen’s Gambit (ou Le jeu de la dame en français) est une plongée en apnée dans le génial esprit borderline d’une jeune fille qui va trouver dans les échecs un moyen de ne pas sombrer dans la folie et la solitude, où chaque partie d’échecs a été conçue comme une véritable scène d’action accessible à tous (pas besoin d'être fin connaisseur pour les apprécier), prenant même parfois des allures surnaturelles quand Beth rejoue mentalement ses parties une fois seule dans sa chambre. Des combats où le hasard n’a aucune prise, centrés sur la mémoire, la connaissance, la stratégie et la discipline, des domaines où justement Beth excelle. Et c'est tout le talent de Scott Frank qui s'exprime à travers sa mise en scène, redoublant de trouvailles (les commentaires radiophoniques des parties par exemple, ou encore les incrustations vidéo) pour toujours plus de fascination et de glamour autour d'un jeu de stratégie a priori froid et mécanique.
Une fascination que l'on doit aussi largement à la prestation d'Anya Taylor‑Joy qui interprète Beth dans la série. L’actrice de 24 ans a été découverte dans Peaky Blinders et Split de M. Night Shyamalan. Visage impassible, gestuelle économe mais regard ultra‑expressif et chevelure flamboyante, elle compose une héroïne atypique et fascinante entourée de personnages secondaires eux aussi à la hauteur, notamment la mère adoptive de Beth dont le devenir est malheureusement un peu trop téléphoné à l'avance.
Dans le fond, la série illustre bien sûr le combat d'une femme dans un milieu exclusivement masculin à l'époque. Un discours féministe dosé à la perfection à qui il manque encore un petit supplément d’émotion pour faire de La dame du jeu une grande série.