Le bureau des légendes saison 5
Suite aux fuites parues dans la presse (Le bureau des légendes saison 4), la DGSE est en pleine effervescence. Le bureau des légendes est soupçonné d’avoir, avec le concours de la CIA, laissé exécuter par les Russes un de ses propres agents. Mort ou vivant, le véritable sort de Malotru alias Paul Lefèvre (Matthieu Kassovitz) inquiète jusqu’aux plus hautes sphères du contre‑espionnage français, et va avoir des répercussions graves sur les terrains du monde entier, du Sinaï à Djeddah en passant par Phnom Penh, Moscou, Le Caire et Paris.
Terrorisme, intelligence économique, patriotisme, cette nouvelle saison brasse une fois encore les grands thèmes chers à Éric Rochant tout en laissant plus que jamais ressortir des aspects très privés voire charnels de la vie des « clandés », les agents sous couverture. Une saison 5 d’autant plus importante dans l’histoire de la série qu’elle est certainement la dernière conçue et supervisée par son créateur Éric Rochant. S’il y a une suite de la série (ce que souhaite Canal+), un autre showrunner prendra le relais et lui donnera dans le futur une nouvelle couleur, une autre approche, en bref, un nouveau départ. Dans le même temps et pour être certain de ne pas mettre trop d’affect dans la conclusion de la saison 5, Éric Rochant a demandé à Jacques Audiard de co‑écrire avec lui et de réaliser les deux derniers épisodes. Un épilogue qui fait débat, un changement de syle qui surprend. En somme, un geste artistique fort de la part des deux intéressés.
Tout commence par deux premiers épisodes brouillons et plutôt éclatés en guise de mise en place laborieuse, le temps de reconnecter entre eux tous les personnages et d'en présenter de nouveaux, dont Mille Sabord, alias Louis Garrel. Malgré son jeu très rentré et une scène fascinante dans une simple voiture avec Sara Giraudeau, tout en non‑dits et sous‑entendus, le tout nappé d'une forte tension érotique, sa trajectoire reste sensiblement superflue. On espère que son personnage subsistera si futur il y a, et trouvera davantage sa place. Suivent les épisodes au cœur de l'intrigue et qui, tels un moteur diesel, déploient peu à peu leurs enjeux dramatiques mêlés. Lentement mais sûrement, les pièces d'un puzzle complexe se mettent en place, éclairées par quelques fulgurances brillamment mises en scène comme l’attaque terroriste dans un hôtel du Caire, les exfiltrations hautes en suspense et en échanges de regards, ou encore les hommages à moult séries et films de cinéma (Miami Vice de Michael Mann, The Wire pour ne citer qu'eux).
Puis arrivent (enfin ?) les deux derniers épisodes d’Audiard, son éclairage au propre comme au figuré davantage centré sur l'humain, les corps et les âmes. Audiard et son fidèle scénariste Thomas Bidegain mettent en place le dernier acte d’un opéra tragique où les fantômes enfouis du passé resurgissent avec un impact émotionnel et mélancolique remarquable (le banquet). Hélas, c’est presque trop tant ces deux épisodes sont en rupture totale avec le reste de la saison, mais aussi de la série. La pudeur et l’économie des sentiments, véritables ADN du Bureau des légendes, laissent la place à l’émotion pure, faisant gagner en humanité aux personnages ce que la série perd en identité. Une fin déstabilisante qui imposera de faire des choix, un jour, avant aller plus loin.