Don't Look Up : déni cosmique
Kate (Jennifer Lawrence), une astronome doctorante, s'aperçoit par hasard qu'une gigantesque comète est en route pour percuter la Terre dans moins de six mois. Son professeur, le discret Randall (Leonardo DiCaprio), confirme le sinistre calcul. Le duo ayant échoué à avertir l'administration de l'inepte présidente Orlean (Meryl Streep), prise dans un scandale de mœurs, tente d'alerter le grand public. Mais la mécanique à sensation de la télévision et des réseaux sociaux fait perdre beaucoup de temps. Randall, modeste scientifique grisé par sa soudaine célébrité, entame de surcroît une liaison avec Brie Evantee (Cate Blanchett), une fameuse présentatrice de JT…
Un casting all‑stars
Sur un air de comédie parodique et sur un prétexte de comète, Don't Look Up traite évidemment de la crise climatique. Un cataclysme maintes fois prédit, déjà en marche et pourtant toujours traité par‑dessus la jambe par les principaux gouvernements du monde. Si, dans le film, la satire des réseaux sociaux et de la télévision, avides moins d'infos que de polémiques et de news souriantes, touche hélas en plein dans le mille, Don't Look Up souffre d'imperfections suffisamment importantes pour brider l'adhésion.
Premier impair qui, a priori, n'en semble pas un : un casting all‑stars regroupant les comédiens déjà nommés, mais aussi la chanteuse Ariana Grande, Timothée Chalamet (Dune), Tyler Perry (Gone Girl) ou Ron Perlman (Hellboy), entre autres. Ce casting à très large spectre vise clairement à maximiser l'audience du film. Pourquoi pas ? Sauf que ces mêmes vedettes en grand nombre ont aussi voulu défendre leur présence et leur personnage à l'écran. La démarche, louable en soi, est parfois amusante (le faux Elon Musk campé par Mark Rylance), parfois lourde (le militaire ultra‑réac joué par Perlman) mais s'avère surtout assez vite hors sujet. La superfétatoire « crise » conjugale vécue par le personnage de Leonardo DiCaprio prend, par exemple, beaucoup de temps filmé, au détriment du message. À force de scènes « pour faire vivre » ses trop nombreux protagonistes, le film dilue son propos.
Trop de comédie
Autre écueil sur lequel s'échoue le film d'Adam McKay (scénariste notamment de The Big Short, le casse du siècle) : la satire est souvent balourde. On peut pardonner à Sainte Meryl Streep d'en faire des louches sur son Donald Trump au féminin ‑après tout la star a des comptes personnels à régler avec l'ex‑président américain‑ mais on peut quand même déplorer qu'Adam McKay sorte systématiquement la masse au lieu du stylet. Trump n'est pas l'alpha et l'omega des climatosceptiques, il n'en est qu'une des dernières ‑il est vrai outrancière‑ itérations.
Et faute d'oser une fin dramatique qui aurait pu secouer les esprits, McKay pêche en usant d'un pseudo‑gag science‑fictionnel qu'on voit arriver des kilomètres à l'avance. Don't Look Up ne se voyait pas comme une pure comédie, exercice qu'il faut traditionnellement conclure avec un sourire pour prolonger le bien‑être du spectateur. Mais bien plutôt comme un fort signal d'alarme, pétri d'absurde et de rire grinçant pour faire « passer la pilule » et offrir un angle de vue décalé sur une crise urgente.
Le temps est compté
En dépit de ces bévues, restent néanmoins quelques séquences fortes. La scène où tous peuvent enfin voir la comète/mort arriver dans les cieux s'avère poignante et très bien réalisée. Et l'ultime réplique du personnage de Leonardo DiCaprio, même lancée dans un contexte manquant de crédibilité, risque de hanter nombre de spectateurs.
Don't Look Up est un gros succès pour Netflix : en ce sens, on peut donc estimer qu'Adam McKay et ses compères ont touché juste. Il n'en reste pas moins que, pour porter durablement ‑et ici avoir un effet concret sur les citoyens, objectif affiché de l'entreprise‑ une satire se doit d'être ciselée jusque dans les moindres détails. Don't Look Up, intelligent dans ses desseins mais trop empressé à charger la mule Trump et consorts, manque selon nous en grande partie sa cible. Et c'est grand dommage car dans la réalité comme dans la fiction, le temps est compté.