Fête de famille
Andréa (Catherine Deneuve), mère de famille nombreuse qui aspire à la quiétude, organise une fête à l’occasion de son anniversaire. Ses enfants et sa petite‑fille répondent présents, mais les agapes vont être dynamitées par l’arrivée de Claire (Emmanuelle Bercot), l’aînée d’Andréa, qui n’avait plus donné signe de vie depuis trois ans. Claire, très fragile psychologiquement, est venue non pour voir sa famille ou sa fille Emma qu’Andréa élève, mais pour réclamer ce que les uns et les autres lui doivent. Son irruption dans un banquet balisé va provoquer une formidable tempête familiale.
Ce onzième film de Cédric Kahn aborde un genre d’ordinaire balisé : celui du film de famille. Le pitch semble esquisser un sulfurique règlement de comptes façon Festen. Mais Cédric Kahn, qui joue également dans le film, a opté pour une approche plus éclectique, plus risquée et finalement bien plus passionnante.
Plutôt que de privilégier un pur crescendo dramatique, le réalisateur n’hésite pas à densifier son propos avec des touches de comédie, parfois absurde. Des séquences réjouissantes qui n’altèrent pour autant pas la profonde noirceur d’autres scènes. Le principal vecteur de Cédric Kahn pour introduire cette touche plus légère est l’impeccable Vincent Macaigne qui incarne Romain, le fils mi‑looser mi‑artiste d’Andréa. Mais à l’instar de la quasi‑totalité des personnages, Romain cache une forme de laideur intime assez flippante qu’on découvrira au fil du film.
Toutefois, le vrai vaisseau amiral de Fête de famille est indiscutablement Emmanuelle Bercot, l’interprète de Claire. La comédienne livre ici une performance époustouflante de personnage borderline. Claire, à la fois très touchante, vulnérable, aux frontières de la folie, mais parfois aussi d’une dureté d’onyx, s’avère particulièrement douée pour révéler les faux‑semblants qui ont structuré cette famille. Entre rires et effarements, ce complexe jeu de tombée des masques se montre passionnant à suivre et semble rien moins que réinventer le genre de la comédie dramatique.
Même si le récit peut sembler parfois flirter avec le théâtre, Cédric Kahn opte pour des points de vue très tranchés en termes de réalisation. Des scènes offrant beaucoup de plans‑séquences et très peu de mouvements de caméra alternent avec un montage extrêmement nerveux dès que les convives passent à table. Ces brusques ruptures de ton, cette mise en image solide et subtilement racée s’avèrent des paris réussis tant le casting du film se révèle solide. Tous les comédiens, y compris les très prometteuses Luana Bajrami et Isabel Aimé Gonzalez Sola, sont parfaits.