Jackass 3
Et c’est reparti pour 96 minutes de gags (version cinéma), de cascades de ouf et de blagues bien débiles signés Johnny Knoxville and co. Certains jouent au rodéo à dos de bisons, d’autres s’amusent à faire du jet‑ski dans une piscine, d’autres encore n’hésitent pas à tester les effets dévastateurs d'un réacteur d'avion, à jouer avec des essaims d'abeilles furibards, ou encore à s'engluer de colle forte et à se décoller d'un coup sec. Sans parler d'une dent arrachée à la Lamborghini (plus que la racine impressionnante de l'incisive, c'est le bruit qui fait mal…).
Bref, que du lourd où l'on retrouve les accessoires fétiches de cette bande de kids complètement déchaînés (de près de 40 ans quand même) : gants de boxe géants, serpents par dizaines, scorpions en colère, skate‑boards incontrôlables, balles de paint‑ball intrusives, pots de peinture explosifs et autres pistolets électriques… On vous a gardé le plus ragoûtant pour la fin (sur la version de 100' non censurée) : à savoir quelques séquences scato des plus écœurantes (les crottes de chien en apesanteur) et des « coups bas » qui, en toute logique, devraient priver cette bande de déjantés de toute possibilité de descendance.
Vous l'aurez compris, le bon goût n'est pas de mise. Pas plus que le second degré. Et il nous est franchement difficile de conseiller aux âmes sensibles de voir un tel programme pouvant provoquer la nausée (les cameramen eux‑mêmes tentent avec plus ou moins de succès de réprimer leur instinct de régurgitation à de nombreuses reprises…), et surtout choquer le jeune public. C'est même carrément du grand n'importe quoi, où rire et douleur consentante justifient tous les moyens. Pourtant, les gags les plus douloureux ne sont pas forcément les plus fendards, comme le « Big Five » (une simple main géante montée sur ressorts surprend plus ou moins violemment un à un tous les membres de l'équipe).
Si l'on peut trouver cette débauche de moyens indécente, mise au service d'aucun art ou vision créative, Jackass n'est pas pour autant à jeter aux orties dans son intégralité. L'énergie qui se dégage de cette troupe de bras cassés (au sens propre), et du charismatique Johnny Knoxville chaussé de ses Ray‑Ban noires en particulier, peut aussi être ressentie comme un retour salvateur au monde de l'enfance (« The Kids Are Back » dit la chanson d'ouverture des Twisted Sister), ou du moins de cette petite part incontrôlable enfouie en nous, qui ne demande qu'à jaillir. Et si ce sont le sang et toutes sortes d'autres substances organiques qui émaillent cet ovni filmique, son esprit libertaire est aussi un immense coup de pied à la bienséance et au puritanisme ambiants.
Notons enfin que le clippeur et cinéaste Spike Jonze, également producteur du programme, a concocté deux génériques (de début et de fin) autour de ces Freaks tatoués et velus (Ryan Dunn, surnommé le Barbu, est mort il y a peu dans un accident de voiture), qui valent à eux seuls le détour. Filmés avec la fameuse caméra Phantom (1 000 images par seconde) et montés au ralenti, leur netteté et leur précision incroyables nous laissent sans voix. Tout comme le film d'ailleurs…