Solutions locales pour un désordre global
Artiste de cinéma aux multiples casquettes, Coline Serreau est aussi une femme engagée politiquement et une fervente écologiste, comme elle l’avait notamment prouvé avec La belle verte. Avec son documentaire Solutions locales pour un désordre global, elle s’intéresse aux problèmes de l’agriculture intensive et de l’alimentation mondiale. Son but : éviter de sombrer dans le catastrophisme ou de passer pour une donneuse de leçons, mais proposer de véritables alternatives pour cultiver et se nourrir autrement, sans faire souffrir la planète.
À l’heure où la question de l’alimentation de la Terre et de ses quelque 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050 est plus que jamais d’actualité, la réalisatrice a parcouru une partie du monde pour braquer son objectif sur des intervenants loquaces et passionnants. Agronomes, scientifiques, microbiologistes, agriculteurs, militants, ils soulèvent les problèmes et les désastres causés par plusieurs décennies d’exploitation débridée des sols (ou quand les hommes ont pris en main l'agriculture au détriment des femmes), à grand renfort de pesticides et d’engrais (issus de l'industrie militaire de l'après‑guerre), qui ont non seulement empoisonné les récoltes, mais aussi stérilisé quantité de terres. Aujourd’hui appauvries, vidées de leurs micro‑organismes qui servaient à oxygéner les sols, compactées comme des blocs de béton et favorisant donc l’érosion et les inondations, ces terres ne peuvent plus décemment accueillir les plantations. À moins de recourir encore et encore aux produits chimiques…
Brisant au passage le mythe de la révolution verte, les spécialistes du documentaire abordent également d’autres aberrations, comme l’impossibilité de cultiver des variétés de fruits et légumes anciens à cause de lois rigides, rédigées au profit des semenciers, la torture des animaux pour répondre au besoin des éleveurs (les queues des cochons coupées, leurs dents arrachées pour éviter qu’ils ne se mordent, coincés dans leurs enclos), la recherche de nouvelles variétés de tomates « carrées », calibrées pour optimiser leur rangement dans les caisses, ou encore la pollution du corps humain et l’apparition de nouvelles maladies dues à l’ingestion de pesticides.
Fatiguée que l’on ne donne la parole qu’aux multinationales, Coline Serreau avoue dans un bonus qu’elle les a tenus volontairement à l’écart de son projet, invitant principalement les petites gens à s’exprimer. Sur 1h52 de métrage, la réalisatrice, dont l’objectif premier était de proposer des solutions au désastre ambiant, privilégie finalement les discours au détriment des images « sur le terrain ». Plus film à thèse pour opérer une véritable prise de conscience que démonstration ludique et optimiste, Solutions locales pour un désordre global propose malgré tout quelques options, comme le Mouvement des sans‑terre au Brésil, les exploitations familiales en Ukraine et en Inde, les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en France, ou encore l'Association Kokopelli qui se bat pour sauver les graines anciennes et non inscrites au catalogue officiel, donc interdites à la vente. On aurait simplement aimé découvrir plus ces mouvements alternatifs, apprendre comment, à notre petit niveau, il est possible d’agir.