Le Petit Nicolas
Depuis Amélie Poulain, un réflexe critique s’est constitué : le dépistage dans la production récente des signes avant-coureurs d’une nostalgie délétère pour une France aseptisée, harmonieuse, souriante, encore vierge des communautarismes, de la violence des jeunes et du social. Vieux compte toujours pas réglé avec une Histoire problématique (nos grands-pères étaient-ils résistants et/ou collabos ?), dont on n'est toujours pas sorti.
Après les cartons successifs de ces films brocanteurs du box-office que sont Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Bienvenue chez les Ch’tis, Les choristes (et son horrible codicille Faubourg 36), voici donc le dernier de la bande, Le Petit Nicolas, adaptation ratée de l’œuvre de Sempé, mais teintée malgré tout d’une ironie qui la sauve de l’anachronisme rance (de là à convoquer Tati, critique en temps réel du faux bien-être de cette même époque, au secours).
Nous sommes à Montmartre, dans cette France carte postale des années 1950, celle du plein‑emploi, des Trente Glorieuses et des femmes au foyer hyper-épanouies, où l’on pouvait poser son vélo près d’un lampadaire propret sans le retrouver désossé recta, une France chromo où les d’jeuns portaient des culottes courtes et pas des pantalons baggy, rêvaient d’acquérir un bon frigidaire mais pas de « shaker leur booty », disaient « Bonjour Maman ! » et pas « Nique ta mère ».
Nicolas (Maxime Godart), donc, habite avec ses parents (Kad Merad et Valérie Lemercier, très bons) et mène une existence de fils unique pour le moins paisible, entre cours d’école, ogre surveillant et bande de copains attachants. Mais cet équilibre se rompt le jour où il surprend une conversation entre ses parents, dont il conclue que sa mère est enceinte. Sa machine imaginaire se déchaîne jusqu’au délire et l’arrivée hypothétique d’un petit frère qui le met dans tous ses états : finira-t-il abandonné par ses parents comme le Petit Poucet ?
Produit parfaitement calibré voire inodore, Le Petit Nicolas peine à faire exister ses personnages (des silhouettes sommairement esquissées à mille lieues des gamins tendres et espiègles de Sempé), et dépeint un univers aseptisé et sans âme, sur fond de conservatisme idéologique.