Robin des Bois
Nous voici loin, très loin, du Robin des Bois sautillant en collants serrés, popularisé par Errol Flynn dans la fameuse version réalisée par Michael Curtiz en 1938. Très loin aussi de celle signée par Kevin McDonald dans les années 1990 avec un Kevin Costner énamouré découvrant les vertus du point de vue subjectif de la flèche (idée reprise ici en forme de clin d’œil).
Ridley Scott, qui retrouve Russell Crowe pour la cinquième fois depuis Gladiator, retrace ici la genèse du mythe (Robin avant « des Bois ») et met deux heures et demie avant d’arriver là où les autres s’arrêtaient. Son Robin des Bois serait plutôt le descendant lointain de Maximus : même physique massif, même trajectoire morale, mêmes problèmes avec un père dont il s’agit de reprendre le flambeau. S’il prend quelques libertés avec l’histoire officielle (Richard Cœur de Lion, tué avant son retour en Angleterre), Scott décrit donc avec l’énergie et la fougue propres à son cinéma la construction d’une légende.
Archer dans l’armée de Richard Cœur de Lion, Robin le rustre échoue à Nottingham, à la faveur d’un concours de circonstances qui lui fait prendre l’identité de Robin de Locksley, un Sir décédé dont le père et la femme (Marianne, impeccable Cate Blanchett) attendent depuis dix ans le retour. Pendant ce temps, la Couronne vacille, Jean sans Terre envoie partout des émissaires sanguinaires afin de collecter des taxes, et les Français, aidés par le traître Godfrey, préparent l’invasion de l’Angleterre.
À bien des égards, le film de Scott ressemble à un remake de Gladiator à la sauce Sherwood. Sa passion pour les scènes de batailles ne se dément pas jusqu’au massacre final des troupes françaises, qui s’amuse à retourner les positions de la fameuse séquence du Débarquement filmée par Spielberg dans Le soldat Ryan. Pour le reste, si Scott reste un formidable technicien, s’il ne tombe pas dans le travers épuisant du tout‑numérique, son film manque de relief, donc de personnalité. Robin des Bois possède suffisamment d’énergie pour faire passer la pilule de ses clichés, trouve une ou deux idées que l’on aurait aimé voir développées (les ados fugitifs de la forêt de Sherwood par exemple), mais manque cruellement d’âme. Il serait temps que Scott qui, au fond, n’a pas réalisé un bon film depuis La chute du faucon noir en 2002 et Kingdom of Heaven en 2005, se réveille.