L'arnacœur
Barbe de trois jours et sourire ravageur, Alex (Romain Duris) est briseur de couples professionnel. Pas (que) pour le plaisir, cette activité étant son seul gagne‑pain. Mais Alex a une morale : ne jamais séduire les femmes heureuses en ménage, mais plutôt servir de catalyseur pour celles qui doutent de leur couple, attendant inconsciemment le petit coup de pouce pour larguer leur compagnon.
Flanqué de sa sœur (l'humoriste et actrice Julie Ferrier, vue dans Paris de Klapisch) et de son beau‑frère (François Damiens, Dikkenek) en guise de fins limiers l’assistant dans ses missions, le tombeur se voit proposer un alléchant contrat : conquérir le cœur de Juliette (Vanessa Paradis), séduisante jeune femme œnologue de profession, heureuse en affaires autant qu’en cœur. Dans une semaine, elle doit épouser un riche et beau jeune homme (l’acteur anglais Andrew Lincoln), avec qui elle file le parfait amour. Pour ce job, Alex va‑t‑il dévier de sa ligne de conduite, histoire de renflouer les comptes de la petite entreprise, au bord de la faillite ?
Contrairement aux États-Unis, la comédie romantique à la française est un genre moribond et, à de rares exceptions près, peu convaincant. Engoncés dans leurs codes, les films hexagonaux reposent généralement tous sur le même canevas : un homme et une femme que tout oppose (l’un est riche, l’autre d’un milieu modeste). En cela, L’arnacœur ne déroge pas à la règle, inversant simplement le schéma de Pretty Woman et des bluettes avec Jennifer Lopez (Coup de foudre à Manhattan, Sa mère ou moi !), où c’est la femme qui est issue d’un milieu défavorisé.
Ici, Romain Duris est un trentenaire qui a réussi à mettre à contribution sa fougue, son charme et son intelligence pour gagner sa vie, malgré les galères. Vanessa Paradis, quant à elle, apparaît dans un premier temps comme une pimbêche emmerdeuse et coincée, qui révélera peu à peu ses failles et sa sensibilité, évidemment touchée par le personnage d’Alex, sémillant et surprenant.
Niveau mise en scène, le réalisateur Pascal Chaumeil, dont c’est le premier long métrage, s’en sort avec les honneurs, livrant des scènes toujours dynamiques et fluides, sans jamais perdre le rythme. Ainsi, les déambulations et les chassés‑croisés des personnages s’agencent comme de petits ballets. Doté d’une photographie lumineuse, acidulée et aux contrastes appuyés, le film est néanmoins un peu trop lisse, sensation renforcée par les décors ostentatoires de Monaco.
Malgré la caractérisation efficace des principaux personnages (le duo Paradis/Duris, ainsi que Julie Ferrier, l’hilarant comédien belge François Damiens et Helena Noguerra, brillante dans le rôle de la copine nymphomane), le scénario reste, globalement, cousu de fil blanc. Car, par la volonté de faire d’Alex un personnage totalement moral et de laisser l’irrévérence au placard, au profit d’un divertissement luxueux mais tout public (dans le commentaire audio, Pascal Chaumeil explique que les spectateurs, lors des projections‑tests, étaient assez gênés par certaines scènes un peu « osées »…), le résultat se veut moins surprenant qu’escompté. Mais, malgré tout, bien supérieur à la moyenne du genre, et toujours parfaitement incarné.