Esther
Kate Coleman (Vera Farmiga), une mère de famille fragile, se remet difficilement de la disparition de son enfant morte‑née. Profondément traumatisée par cette épreuve, Kate a sombré au plus bas, mais tente désormais de redonner un équilibre à sa vie de couple, ainsi qu’à ses deux jeunes enfants. Avec son conjoint John (Peter Sarsgaard), elle finit par choisir d’adopter. Dès leur arrivée à l’orphelinat, une étrange fillette prénommée Esther (Isabelle Fuhrman) retient leur attention. La voilà, toute douce et presque trop parfaite, intégrant la famille Coleman. Mais Esther est loin d’être une enfant comme les autres.
Conte horrifique génial, Esther puise ses racines du Mal dans les angoisses nichées au cœur des ténèbres d’une Europe de l’Est rétrograde et dégénérée (elle serait d’abord d’origine russe, puis estonienne). En effet, du haut de ses 9 ans, la fillette échappe à son temps, avec ses robes de petite bourgeoise catholique, ses boucles d'ébène, ses rubans sur les poignets qui dissimulent un passé obscur. L’inquiétante enfant porte ainsi en elle les signaux mortifères d’une Europe sombre et mythologique (l’allusion à la Transylvanie, la bâtisse gothique crachant des cadavres dessinée par la gamine dérangée, la prétendue Bible de couleur noire connotant davantage le satanisme et la sorcellerie qu’un livre religieux) en lutte contre les clichés d’une Amérique dépravée (les parents qui font l’amour sous les yeux de la parfaite Esther, la nonne en apparence irréprochable fumant des cigarettes, le grand frère Danny abasourdi par les riffs métalleux de Guitar Hero, les chérubins du primaire déjà accro à leur téléphone portable).
Enfin, sous ses airs de princesse candide, Esther se tient à mi‑chemin entre les espiègleries juvéniles et la cruelle lucidité inhérente à l’âge adulte. Et rien de plus terrifiant qu’un cadre recouvert de neige pour laisser œuvrer le Mal. La neige, pure, comme les pulsions dévastatrices de l’enfant à l’innocence perdue.