par Jean-Baptiste Thoret
20 avril 2010 - 11h40

Mystic River

année
2002
Réalisateur
InterprètesKevin Bacon, Sean Penn, Tim Robbins, Laurence Fishburne, Laura Linney, Marcia Gay Harden, Kevin Chapman
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

Cela fait presque quarante ans qu’il tourne des films, son nom résonne même aux oreilles de ceux que le cinéma n’atteint pas, il semble appartenir depuis toujours au paysage du cinéma américain, mais il n’est jamais là où on l’attend.

Clint Eastwood est un cas. Pour la critique bien sûr (de macho fascisant dans les années 70, Eastwood, le même, est devenu quelques décennies plus tard un super auteur), mais aussi pour le public, prompt à l’acclamer lorsqu’il endosse le costume de Dirty Harry ou les fringues boueuses d’un flingueur vieillissant (Impitoyable), et prêt à le bouder comme ce fut le cas pour Minuit dans le jardin du Bien et du Mal.

Avec Mystic River, Eastwood ne filme que dans le jardin du Mal, ou presque. Partout, la culpabilité, le trauma dont on ne se remet pas, des hordes de fantômes intimes et collectifs, l’envers poisseux et opaque de l’Amérique concentré dans un faubourg quelconque de Boston.

Là, trois gamins, Sean, Jimmy et Dave, tuent le temps comme ils peuvent. Une voiture débarque et l’ogre, un faux policier, emmène Dave au fond d’une forêt, le séquestre et le viole. Le conte a mal tourné et la souillure originelle n’en finira plus de se répandre.

Mystic River est un diamant, mais un diamant noir. Rien de pire que le Mal qui coagule. Trente ans plus tard, Sean (Kevin Bacon) est devenu flic, Jimmy (Sean Penn) est passé par la case prison et son passé de mafieux lui colle à la peau comme l’immense croix tatouée qui barre son dos, tandis que Dave (Tim Robbins) a fondé une famille. Un matin, la fille de Jimmy est retrouvée morte au fond d’une mare. C’est à l’occasion de l’enterrement que les trois copains qui n’en sont plus se retrouvent.

On se croirait dans un film de Michael Cimino, avec lequel Eastwood avait tourné Le canardeur en 1974. À première vue, Eastwood décline une nouvelle fois l’un de ses thèmes fétiches, la transmission, obsession centrale de ses plus beaux films, de Honkytonk Man à Gran Torino, mais le porte à son point critique où l’on douterait presque de la capacité de son auteur à laisser la porte de l’espoir entr’ouverte.

Car depuis ses débuts, le cinéma d’Eastwood occupe cette position unique, entre la critique virulente des mythologies de son pays (souvenons-nous du chapiteau rapiécé de Bronco Billy aux couleurs du drapeau américain et repaire attachant de paumés, de marginaux et autres fous) et la croyance absolue dans le rêve américain qu’il n’a jamais confondu avec ses manifestations pittoresques. Mais, et c’est ce qui fait de Mystic River un film‑charnière important, il ne s’agit plus de savoir tout le bien que l’on transmet, mais le peu de mal que l’on ne transmet pas.

Et le retournement est capital. Jimmy, interprété par un Sean Penn impressionnant, capable de passer d’un plan à l’autre de l’ado écorché qu’il fut chez James Foley (Comme un chien enragé) au père meurtri par la perte de sa fille, finira par tuer Dave, son ami d’enfance qu’il croit coupable. La fin du film est sublime : un innocent est tué, mais c’est parce qu’il est tué qu’on le découvre innocent. Jimmy agit au nom d’une idéologie qui suppose l’inexorable reconduction des modèles parentaux (la victime de pédophilie sera pédophile à son tour), Eastwood filme son contrechamp et se tourne (et ce sera la seule fois) vers le jardin du Bien. Il y a des moments où le Mal ne se transmet pas, finit-il par nous dire. La rivière a beau être glauque, rien n’empêche de l’embellir un peu. Mystique Eastwood.

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- de 12 ans
Prix : 14,99 €
disponibilité
14/04/2010
image
BD-50, 138', toutes zones
2.35
HD 1 080p (VC-1)
16/9 natif
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Espagnol Dolby Digital 5.1
Hongrois Dolby Digital 5.1
Allemand Dolby Digital 5.1
Italien Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, anglais pour sourds et malentendants, allemand pour sourds et malentendants, italien pour sourds et malentendants, italien, hongrois, norvégien, portugais, roumain, suédois, bulgare, hébreu, finnois, néerlandais, danois, espagnol
8
10
image
Contrastes fortement marqués, noirs tendus et denses, atmosphère dure, lumières froides, le décor est planté : nous voici au cœur d'un quartier délaissé de Boston. Un drame atroce vient d'avoir lieu. La précision et la définition sont là (étonnantes même), mais le film reste sur ses marques, ancré dans la ville, ses rues, ses bois, ses routes, ses ponts et ses blocs de maisons. C'est fort, brutal et beau à la fois. Aucun défaut à l'horizon. Seul l'âge du film, qui ne peut rivaliser avec les meilleures démos récentes du moment, lui ôte une étoile. On ne passe pas loin de la perfection.
8
10
son
Là aussi, quelle satisfaction. Rien de spectaculaire, que de la subtilité avec une somme de détails sonores incroyable distillée sur toutes les enceintes. L'immersion est totale. Cris des oiseaux, talkies des policiers, jeux des enfants, rumeurs de la ville, silences lourds, bruits quotidiens… Encore plus de naturel en VO (VF moins dynamique et moins précise) mais dans les deux cas, c'est une réussite.
5
10
bonus
- Commentaires audio de Tim Robins et Kevin Bacon en VO non sous-tirée…
- Sous la surface : genèse de l'adaptation du roman avec interviews des principaux protagonistes, complètement différent de ce qu'annonce la jaquette… (23')
- Documentaire sur le film réalisé pour une chaîne TV US (12')
- Interviews datant de 2003 de Clint Eastwood, Kevin Bacon et Tim Robins (111')
- Bandes-annonces
Les commentaires étant non sous-titrés, il nous reste les interviews réalisées par le journaliste américain Charlie Rose et les deux sujets sur le travail d'adaptation du roman et le film lui-même. Même si l'ensemble est un peu promo, on parvient à trouver de quoi se satisfaire. Quelques infos à picorer ici ou là.
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