Indiana Jones et le cadran de la destinée
Le quatrième volet, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, pourtant réalisé par Steven Spielberg, était déjà un épisode en trop dans la saga cinématographique culte. Ce cinquième opus relève de l’acharnement thérapeutique et numérique.
Réalisé par James Mangold (auteur du très bon Le Mans 66 piloté par Disney, propriétaire de Lucasfilm depuis 2012), Indy 5 fait rempiler Harrison Ford, 80 ans, dans la peau du célèbre archéologue. Au seuil de la retraite, meurtri dans la solitude et l’alcool, le voilà sollicité par sa filleule Helena Shaw (Phoebe Waller Bridge), qu’il n’avait pas vue depuis une éternité, pour se lancer à la poursuite d’une relique ayant été conçue par Archimède au IIIe siècle avant Jésus‑Christ. Problème : ce cadran est également convoité par un nostalgique du Troisième Reich, Jurger Voller (Mads Mikkelsen), qu’Indy a croisé à la fin de la guerre.
Ça commence mal
Tout re‑commence par cette rencontre dans un train lancé en pleine campagne en 1944, où un Harrison Ford rajeuni numériquement (De‑Aging) est pour la première fois confronté à Mikkelsen. Si le visage rafraîchi du comédien est assez bluffant, sa voix ‑celle d’aujourd’hui‑ n’est plus du tout la même qu’auparavant, précipitant tous ceux qui se souviendront de ce décalage voix/physique dans un trouble qui ne passera pas de tout le film.
Hélas, ce n’est pas le principal problème de cette séquence qui, sur le story‑board, pouvait paraître virevoltante. À l’écran, on est plus proche d'une cinématique de jeu vidéo que d'un film de cinéma. Tout sonne faux à la fin : les décors, sa doublure numérique qui court sur le toit d’un wagon, le train qui fonce dans la nuit, la pluie battante, le vent dans les cheveux, le paysage autour… Bref, rien ne va.
Les fans d'Indy expirent
Le ton est donné et ça ne va pas s’améliorer. On saute dans le temps pour retrouver Indy en 1969, devenu un vieux con alcoolique qui tance ses voisins trop bruyants. Après une poursuite à cheval dans les rues et le métro de New York mélangeant atrocement images numériques, prises de vues réelles et décors en toc, Indy continue le massacre à Tanger dans un tuk‑tuk fendard (scène malheureusement bien trop longue pour ne pas décrocher), mais aussi sous l’eau et en l’air. Soit une overdose de numérique et d’invraisemblances pour un supplice de deux heures trente‑cinq. Les fans d'Indy expirent…
Comment finguer un rôle en or
Au fond, pourquoi Harrison Ford a‑t‑il flingué le troisième rôle emblématique de sa carrière ?
Pas une seule fois on ne s’est pas demandé ce qu’on faisait là, à part assister à la décrépitude d’un mythe embourbé dans des effets visuels discutables (on se demande bien où sont partis les 300 millions de dollars du budget du film). Le seul mystère qui perdure une fois le film terminé, c’est pourquoi ? Pourquoi ne pas avoir pensé à ce que Tom Cruise a fait avec Top Gun et sa suite Maverick : respecter les fans, le film d’origine, prolonger la magie, peut‑être en trichant un peu mais sans que cela se voit. Pourquoi Harrisson Ford a‑t‑il accepté, après Blade Runner et Star Wars, de flinguer le troisième rôle emblématique de sa carrière ? Fut un temps pas si ancien où on savait se retirer avec classe, sans faire le film de trop. Sean Connery, papa d’Indy, l’avait d'ailleurs fait après La ligue des gentlemen extraordinaires en 2003, il avait 73 ans. La meilleure idée pour ce cinquième Indiana Jones eut été de ne pas le faire.