par Émilien Villeroy
29 septembre 2023 - 15h52

Beau is Afraid

année
2023
Réalisateur
InterprètesJoaquin Phoenix, Nathan Lane, Amy Ryan
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Paranoïaque et solitaire, Beau Wasserman vit dans un petit appartement miteux au milieu d’un quartier plongé dans l’insécurité. Quand on lui annonce le décès de sa mère, une riche femme d’affaires, il décide de braver ses peurs et sa terreur du monde extérieur pour se rendre à son enterrement, se lançant dans une longue odyssée improbable et pleine d’embûches.

 

Comédie cauchemardesque

Figure de proue de la foisonnante nouvelle vague de cinéastes d’horreur qui a émergé depuis près d’une dizaine d’années, Ari Aster a imposé son cinéma brutal, tourmenté et fourmillant de détails en l’espace de deux films : le puissant Hereditary en 2018, suivi par l’acclamé Midsommar en 2019, des œuvres sombres, étouffantes et déjà cultes.

 

Mais pour sa troisième réalisation, c’est vers un projet plus personnel et ancien que l’Américain s’est tourné, en décidant d’adapter en long format un de ses premiers court métrages, Beau, sorti en 2011. Le résultat : Beau is Afraid, un film‑fleuve de près de 3 heures, décrit par son créateur comme une « comédie cauchemardesque », à la croisée des genres. Là où ses précédents opus étaient homogènes, tournés autour d’une oppressante unité de lieu (une maison familiale ; une communauté païenne), Beau is Afraid est un voyage imprévisible et tordu s’autorisant toutes les excentricités et les expérimentations, capable de passer sans transition de la farce macabre à la fantaisie onirique, dans les arcanes d’une Amérique malade et effrayante.

 

Un début façon crise d'angoisse

Beau is Afraid est en vérité un pur paradoxe : sa première moitié est probablement le meilleur film jamais réalisé par Ari Aster, une pure attaque de panique faite cinéma, spirale anxiogène qui prend de court grâce à un montage à bout de souffle. Dès les premiers instants, nous sommes plongés dans la tête de Beau, incarné avec une délicieuse excentricité malade par un Joaquim Phoenix survolté, et c’est par son regard que nous découvrons l’enfer de son quotidien : une ville inhospitalière où le moindre passant semble vouloir vous étriper, où chaque décision est contrariée, où le moindre aller‑retour à la supérette est une épreuve insurmontable.

 

Loin du rythme langoureux de ses précédents films, Beau is Afraid débute comme sur des montagnes russes, évoquant After Hours de Scorsese. Il risquera d'ailleurs d’épuiser certains spectateurs tant il joue à merveille la carte de la terreur quotidienne irrationnelle, démontrant une inventivité et une intensité brillantes, comme si Aster réunissait toutes les petites idées affreuses et glaçantes qu'il a jamais cauchemardées. C’est donc avec une grande curiosité que l’on suit l’histoire se déplacer vers le registre de l’odyssée solitaire, quand Beau part finalement pour l’enterrement de sa mère, laissant derrière lui la ville dévorante.

 

Ari Aster trébuche dans une seconde moitié trop indulgente

Malheureusement, il reste à ce moment‑là encore près de 90 minutes de film, qui comme Beau, vont se perdre en chemin. S’essayant à l’onirisme avec quelques étranges séquences intégrant de l’animation, Beau is Afraid ralentit violemment le tempo sans jamais vraiment réussir à trouver son rythme : se perdant dans des flashbacks très appuyés et de longues séquences soporifiques, le film tente de nous amener lentement vers un autre sujet, celui de l’enfance traumatique, de la filiation maudite et de l’impossible relation entre Beau et sa mère.

 

Mais ce faisant, Ari Aster trébuche, vide son film de toute son énergie psychotique, enchaînant des séquences aux dialogues forcés et aux enjeux éteints, qui semblent réduire toute l’odyssée de Beau à une vague psychanalyse castratrice. On y trouve encore quelques puissantes idées de réalisation (en particulier la toute dernière scène, grandiloquente à souhait, façon The Wall de Pink Floyd), mais comme une promenade trop longue, on s’est lassé de courir aux côtés de Beau et c’est avec simplement une sensation croisée de lassitude et de soulagement que l’on voit le générique de fin apparaître, mettant enfin un terme à cet interminable voyage que l’on a passé à moitié en traînant les pieds.

 

Il y a beaucoup à aimer dans Beau Is Afraid et nombre de ses séquences hanteront certains spectateurs pendant des jours. Dommage qu'Ari Aster se soit permis autant d'indulgences, au scénario comme au montage, alourdissant un film qui aurait tant gagné à se délester de son trop‑plein d'ambitions.

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Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
01/09/2023
image
BD-50, 179', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français
7
10
image

D'un style assez indéfinissable, l'image de Beau est belle, dans son genre. Les couleurs sont parfaitement saturées, les décors old school et très graphiques, la patine vintage apporte tout de suite une certaine élégance, et en même temps une étrangeté étouffante. Une plongée suffocante dans le monde cauchemardesque de Beau. 

7
10
son

Un voyage tourmenté mais calmos et très intérieur. Cela dit, quand ça s'agite en ville par exemple, les enceintes parviennent à créer une ambiance sonore très crédible et enveloppante. En dehors de cela et la toute dernière scène très bien spatialisée, pas grand‑chose sur le plan sonore…

3
10
bonus
- Making of : l'odyssée de Beau (16')

Passage obligé pour les fans même si ce making of reste un peu plat et classique (interviews, images du film et du tournage…) en comparaison de l'œuvre.

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