Matrix Resurrections
Vingt‑deux ans après le choc Matrix (1999), œuvre majeure qui aura révolutionné l’histoire du cinéma et occasionné deux suites (Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, 2003), Matrix Resurrections arrive comme une étrangeté hybride qui rompt délibérément avec le niveau zéro des blockbusters actuels et empile à nouveau les univers réels, simulés ou rêvés comme un mille‑feuille dont on dégusterait chaque bouchée avec introspection et ravissement.
Méta et ironie
Une fois que la désopilante séquence inaugurale a déroulé son méta‑programme dans lequel Lana Washowski met beaucoup d'elle‑même et nous convie à sa résistance au sein de la Warner, donc de Hollywood, nous voilà confrontés aux questionnements existentiels et ironiques de Thomas Anderson/Neo (Keanu Reeves), créateur d’une trilogie de jeux vidéo à succès dénommée… Matrix. Hanté par des visions qu’il confie à un thérapeute, Anderson expérimente naturellement (par son job et son subconscient) deux réalités parallèles. Sa rencontre avec Tiffany/Trinity (Carrie‑Anne Moss), mère de famille ordinaire, enclenche brutalement sa quête de l’amour perdu et définit, par ailleurs, le véritable enjeu de ce quatrième opus.
Voyage dans l'espace‑temps
Morpheus (Yahya Abdul‑Mateen II) apparaît quant à lui « plus jeune » tandis que Neil Patrick Harris campe l’analyste, l’antagoniste maléfique derrière la Matrice. Autre nouveauté et pas des moindres, Lana Washowski seule à la réalisation, perpétue l’héritage sororal (à l’époque fraternel) à travers ses expérimentations autour de l’espace‑temps, de la perception de la réalité et de ses confins antérieurs.
Ponctué de flashbacks nostalgiques, Matrix Ressurrections semble figer dans un temps irrattrapable et suspendu. Un labo formel au service d’une réflexion ambitieuse sur le genre (binaire, Washowski fait aussi sa thérapie), mais pour quel public en 2022, a priori peu enclin à se poser trop de questions devant un film de SF et d'action par ailleurs visuellement époustouflant ?