Last Night in Soho
Ellie (Thomasin McKenzie), campagnarde éprise de musique et de mode des années 60, tente sa chance dans une école de stylisme londonienne. Malmenée par une étudiante odieuse (Synnove Karlsen), Ellie préfère prendre ses quartiers au calme dans un meublé vétuste tenu par Mme Collins (Diana Rigg). Là, chaque nuit, Ellie va vivre une expérience surnaturelle. Ses rêves l'entraînent dans un voyage dans le temps où elle revit la période du Swinging London dans la peau d'une jeune ambitieuse, Sandie (Anya Taylor‑Joy). Comme Ellie, Sandie a résidé dans le meublé. Et rêvait de percer grâce à sa voix d'or. Mais la jeune femme a visiblement connu un destin tragique qu'Ellie discerne vite sans parvenir à le contrer…
Avec ce nouveau film qu'il a co‑écrit, Edgar Wright (Baby Driver, Shaun of the Dead, Hot Fuzz) propose une aventure surnaturelle à forte personnalité. Un récit qui, peu à peu, va dériver vers le thriller d'horreur.
Entre Satoshi Kon et Alfred Hitchcock
Pour installer la dualité Ellie/Sandie, la première n'étant qu'un témoin impuissant des avanies vécues par la seconde, Wright mobilise son impressionnante science du cadrage ainsi que des effets « live » et de splendides jeux de miroirs que Méliès n'aurait pas désavoués. Les passages poreux entre le réel et l'univers du passé/rêve s'avèrent formidablement inventifs et rappelleront aux amateurs les fantasmagories créatives concoctées par Satoshi Kon dans le film animé Paprika. Et lorsque l'aventure devient enquête puis glaçant thriller, c'est rien de moins que sous le patronage d'Alfred Hitchcock qu'Edgar Wright se place, sans avoir à rougir.
L'ultime rôle de Diana Rigg
Pour peupler cet étrange Last Night in Soho, Wright fait aussi bien appel à la jeune génération, notamment Anya Taylor‑Joy (Le jeu de la dame) et Michael Ajao (Attack the Block), qu'aux vétérans chevronnés que sont Diana Rigg (Au service secret de sa Majesté, Game of Thrones), Terence Stamp (Tiré à part, Priscilla folle du désert) et Matt Smith (The Crown). À noter d'ailleurs que le personnage de Mme Collins ‑protagoniste mémorable‑ est bien l'ultime rôle de Diana Rigg, disparue peu après le tournage.
Anya Taylor‑Joy possède le récit
Si Last Night in Soho, intriguant, inventif, oppressant et même terrifiant sur son final, ne convainc pas totalement, c'est surtout dû, selon nous, à une erreur de casting. La falote et peu expressive Thomasin McKenzie fait beaucoup trop pâle figure face à Anya Taylor‑Joy qui habite et même possède le récit dès sa toute première apparition. La différence de charisme était sans doute voulue pour accentuer l'effet d'ensorcellement vécu par Ellie (McKenzie) mais le déséquilibre de jeu entre les deux comédiennes nuit à l'implication du spectateur aux côtés de l'héroïne. On pourra aussi reprocher à Edgar Wright de perdre un peu de temps à esquisser des fausses pistes alors que son récit presse le pas.
Un cauchemar très original
Il n'en reste pas moins que Last Night in Soho s'avère un cauchemar très original, truffé de trouvailles cinématographiques et doté d'un final vraiment mémorable. En cette sinistre période de reboots ou de franchises pasteurisées à numéro, la proposition singulière de Last Night in Soho mérite largement le détour malgré ses scories.