Zack Snyder's Justice League
Petits rappels aux distraits et oublieux avant d'évoquer cette œuvre bizarre qu’est ce Zack Snyder’s Justice League. Mémo histoire d’abord : Superman mort (Batman Vs Superman), Batman (Ben Affleck) tente de réunir une équipe de super‑héros pour lutter contre une nouvelle menace extraterrestre. Si Wonder Woman (Gal Gadot) se joint rapidement au justicier de Gotham, l’Atlante Aquaman (Jason Momoa) joue les farouches, tout comme le cyborg Victor Stone (Ray Fisher) ou l’ultrarapide Flash (Ezra Miller).
Mémento ciné aussi. Justice League, démarré par Zack Snyder en avril 2016 après une gestation très compliquée (le film était quand même annoncé en… 2007 !) a été une énorme épine dans le flanc du réalisateur. Si l’on met de côté les innombrables conflits et réécritures imposées par Warner Bros, y compris l’arrivée impromptue du scénariste Joss Whedon (Buffy contre les vampires), Zack Snyder a dû abandonner en catastrophe la post‑production du film en plein montage. S'il a quitté le navire avant l'arrivée, ça n'était pas par caprice mais en raison du suicide de sa fille Autumn en mars 2017. Zack Snyder’s Justice League est d'ailleurs dédié à la disparue.
Désormais piloté et lourdement réécrit par Whedon, encore en odeur de sainteté à l’époque, le film initial a muté avec presque deux mois de tournage supplémentaires non prévus. Au final, malgré ses 300 millions de dollars de budget, Justice League (lire notre critique du film à l’époque) s’avérait une œuvre bancale, incohérente par rapport à ses postulats initiaux et ridiculement copiée sur l’équation action‑humour qui avait si bien réussi aux films Marvel. C’est peu dire que les fans avaient été déçus.
Dans un mouvement de groupe rare, les fans affligés par la créature boiteuse accouchée par Whedon ont tempêté pour obtenir une version Zack Snyder. Après des dizaines de milliers de signatures, des mouvements d’humeur en plein comité d’entreprise Warner, le limogeage de cadres à l’origine de l’arrivée de Whedon et le soutien actif d’une large partie du casting, cette version Snyder a finalement vu le jour.
Le réalisateur a ainsi récupéré toutes les scènes coupées au montage et même pu gratter quelques dizaines de millions pour retourner une douzaine de minutes inédites, ajouter des tonnes de nouveaux effets spéciaux, particulièrement sur le méchant Steppenwolf, l’alien à la tête de l’attaque extraterrestre contre la Terre. Et surtout balancer à la benne l’intégralité des scènes filmées par Joss Whedon.
Alors, que vaut cette version Zack Snyder, attendue pendant tant d’années ? On pourrait passer la nuit à comparer les deux versions, les douzaines de scènes rajoutées et/ou filmées différemment. Mais il suffira finalement de quelques arguments pour vous convaincre que voir cette nouvelle version, que vous ayez ou non vu le torchon livré par Whedon, s’impose.
On se lance : dans la version Snyder, tous les personnages, y compris le méchant, ont un background et une histoire. Incroyable : les pathétiques silhouettes agitées par Whedon avaient donc une âme, des regrets, des conflits. Un peu de matière, certains des failles… Pas du Shakespeare certes mais des tensions importantes à tout récit. Les personnages sont par ailleurs tous mieux filmés, mieux présentés. Un seul exemple : Wonder Woman, au lieu d’être un simple prétexte à d’innombrables plans fessiers (version Whedon), retrouve une dimension guerrière et surtout une dignité héroïque cohérente avec le premier film centré sur l’Amazone.
Plus important encore, cette fois (version Snyder), ce n’est pas un seul héros qui sauve l’affaire (version Whedon) mais la défaite alien est vraiment le fruit d’un travail de groupe. Tous les personnages prennent leur part, y compris Aquaman, Victor Stone et Flash, jadis (version Whedon) réduits à encaisser des pains et lancer des punchlines nulles.
Plus qu’un film alternatif plus puissant et plus violent, Zack Snyder livre un film divergent. Discordant jusque dans la forme puisque le réalisateur a choisi de filmer sa version en 4/3 et de découper son récit en chapitres pour mieux se différencier de la version ciné originale.
Sans pour autant devenir une œuvre du calibre de The Dark Knight, Justice League est métamorphosée. S'ensuit un long récit (242 minutes) ‑sans doute un peu trop au regard de ses enjeux‑ mais le spectateur ne s’y ennuiera pas une minute. D’autant moins qu’il n’est, contrairement à la version Whedon, jamais pris pour un semi‑débile.
C’est donc bien une vraie histoire héroïque, intense et remuante, peuplée de personnages dotés d'épines dorsales et d'une vraie intrigue enrichie d’innombrables clins d’œil à l’univers DC qui est présentée. L'existence même de cette version Snyder est un vrai miracle. Une anomalie dans le Hollywood indigent qui prévaut aujourd’hui. Un tel phénomène se doit d’être dégusté et apprécié comme il se doit.