Archive
Dans un avenir proche, George (Theo James), ingénieur en robotique et intelligence artificielle, est l’unique occupant d’un laboratoire isolé au fin fond du Japon. Bien qu’employé par une entreprise aux méthodes brutales, George cache ses avancées déjà conséquentes, notamment J2, le second robot qui l'assiste. S'il est si secret, c'est que son véritable objectif est non de créer l’androïde parfait, mais de construire J3, un nouveau corps cybernétique à Jules (Stacy Martin), sa femme défunte dont la conscience, digitalisée par la firme Archive, semble peu à peu s’évaporer…
Le concepteur visuel cinéma et jeu vidéo Gavin Rothery (Moon la face cachée, Fable, Grand Theft Auto III, Titanfall) signe ici son premier film qu’il a aussi scénarisé. Fan de science‑fiction, Gavin Rothery a pris beaucoup de risques pour cette première œuvre. Sur fond de technothriller, il réalise en effet un long métrage sur l’amour, la culpabilité et la jalousie. Rien que ça !
Histoire de renforcer le challenge, Rothery a fait aussi le choix d’effets spéciaux réalisés sur place et d’une quasi‑absence d’effets numériques. Trop ambitieux ? D’une certaine manière oui car Rothery, amoureux de l’univers étouffant et paranoïaque qu’il a créé, étire un peu trop son intrigue. Le film aurait clairement gagné à perdre 15 ou 20 minutes, particulièrement au démarrage. Mais sur le fond, Archive est une réussite assez bluffante. Theo James (Divergente, Underworld Blood War) campe un protagoniste convaincant, sorte de Frankenstein 2.0 dont il restitue efficacement l’urgence croissante et le deuil. Mais la vraie force du film est Stacy Martin (Amanda, Nymphomaniac, Joueurs). Contrainte à n'exprimer les émotions de son (ses) personnage qu'avec le corps et la voix, la comédienne installe avec délicatesse et subtilité les bouillonnements des robots construits par George. Ce que l’actrice réalise ‑particulièrement avec le personnage de J3, l’ultime création de George‑ est totalement bluffant.
Archive a d’autres atouts cachés : si l’intrigue initiale prend (un peu trop) le temps de s’installer, le film profite d’un univers hyper‑cohérent bien que parsemé d’innombrables discrets clins d’œil esthétiques à d’autres films (Aliens, Ghost in the Shell, Blade Runner, Silent Running). C’est magnifique et crédible de bout en bout malgré un budget que l'on sent limité. Et au moment où le spectateur croit avoir enfin rassemblé les différentes trames narratives, il se prend dans les dents un twist qui abat nombre de certitudes.
Le seul véritable grief que l’amateur de SF pourra faire à Gavin Rothery est un oubli coupable : Archive est très inspiré ‑bien que cela ne soit jamais mentionné‑ par l’auteur de SF culte Philip K. Dick (Blade Runner, Minority Report, Total Recall). Particulièrement l’un de ses plus célèbres romans que l’on ne citera pas pour éviter tout spoiler. Une simple dédicace, un petit coup de chapeau au père de la SF parano, aurait été une jolie cerise sur cet élégant gâteau.