Enragé
Petite série B rétro, nerveuse et ultra‑violente, Enragé donne l’impression d’avoir été écrit dans les années 90 par un scénariste jaloux qui venait de découvrir Hitcher (Robert Harmon, 1986) juste après avoir vu Chute libre (Joel Schumacher, 1993). Le scénariste en question, Carl Ellsworth, a d'ailleurs déjà confirmé sa prédisposition à faire du neuf avec du vieux puisqu'il a écrit les remakes de La dernière maison sur la gauche et de L'aube rouge.
Tout commence quand un fou furieux massacre sa femme et son amant avant de mettre le feu à la baraque et de remonter dans sa voiture. Quelques minutes plus tard, il croise la route de Rachel, coincée avec son fils dans les embouteillages sur la route de l'école. Un simple coup de klaxon trop appuyé va déclencher une folie meurtrière dont les proches de Rachel seront les premières victimes.
Si le scénario tient sur une feuille de papier à cigarettes ‑tant mieux pour la déforestation amazonienne‑ le comédien Russel Crowe donne au film un tournant véritablement flippant. Le visage boursouflé par la rage, les yeux teintés d’une folie malfaisante, les bajoues saillantes, le ventre gargantuesque, tel un ogre, il menace et broie tout sur son passage et ne fait pas semblant (âme sensible, s'abstenir). Même quand il n’est pas à l’écran, il fait peur. C’est dire.
Une prestation dans l'outrance mais toujours maîtrisée et surtout jamais ridicule qui aurait mérité d'être nourrie par un personnage encore plus approfondi. Il manque aussi à Enragé une mise en scène de la même trempe pour véritablement s'élever de sa condition d'honnête série B. À défaut de jouer dans un film grandiose, le comédien est suffisamment bon pour hisser ce petit film de genre anecdotique au rang de thriller cathartique. Il confirme aussi qu’en dépit de sa filmographie qui a tendance à qualitativement décliner, il se donne à fond dans ce qu’il fait et qu’il en a encore sous le capot. Ce serait bien qu’Hollywood s’en souvienne et lui donne plus souvent l’occasion de tourner des films ambitieux.