Tenet
Un jeune agent secret (John David Washington) tente, avec l'organisation Tenet, de déjouer une attaque apocalyptique qui viendrait du futur et qui serait pire qu’une troisième Guerre Mondiale. Tout va se jouer dans différentes strates temporelles nébuleuses où la catastrophe est imminente.
Ne cherchez pas, Tenet repose sur un scénario opaque d’une rare complexité (une des grandes spécialités de Nolan, voir Inception, Interstellar…). S'il est totalement incompréhensible d'un premier abord pour le quidam, on devine aussi qu’il repose sur des fondations solides et stimulantes pour qui aura la patience ‑et l'envie‑ de fouiller plus en avant. Pour les autres, via un dialogue entre deux personnages, Nolan prévient : « N’essayez pas de comprendre, ressentez ».
Une phrase qui résonne comme un conseil avisé aux spectateurs tant le film, qui n’a pas commencé depuis 10 minutes, est déjà hautement incompréhensible. Il faut donc accepter de ne pas comprendre et laisser Tenet devenir une expérience cinématographique remarquable.
Tenet est donc à prendre comme une expérience sensorielle qui rend le spectateur acteur de la suite à lui donner. Il peut choisir de rester au stade des sensations visuelles ou bien chercher des réponses aux multiples questions énigmatiques qui émaillent le film : qui est véritablement qui, qui fait quoi ? Ou encore chercher la théorie qui colle le mieux au film (celle du carré Sator est passionnante par exemple).
Mais à force de chercher un cinéma à tiroirs toujours plus spectaculaire (l'ouverture et la séquence de l’avion resteront dans les annales) et d'apporter une extrême modernité à un genre aussi vieux que le cinéma ou presque (ici le film d'espionnage featuring la machine à remonter le temps), Nolan sacrifie ses personnages sur l'autel de la démonstration de force et du film‑concept basé sur les réalités parallèles. Les fonctions et interactions des protagoniqtes restent floues, comme de simples pions au service du grand maître des marionnettes. Faire compliqué quand on peut faire simple semble être la devise du réalisateur, qui oublie au passage d'apporter de la chair et de l'émotion à son film, même si la scène finale y remédie à moitié pour qui a tout suivi.
Soutenu par une BO hypnotique de Ludwig Göransson (Black Panther, Creed) et des comédiens excellents, à commencer par John David Washington (fils de l’acteur Denzel Washington), Robert Pattinson (magnétique), Kenneth Branagh (terrifiant) et Elizabeth Debicki (Les veuves), Tenet a au moins le mérite d'activer les méninges pendant plus de deux heures. Un véritable casse‑tête chinois qui déconstruit un monde du futur où les technologies changent, mais au fond, pas les guerres. Glaçant.