The Lighthouse
Fin XIXe siècle en Nouvelle‑Angleterre. Ephraïm Winslow, un jeune homme tourmenté, part vers un phare isolé battu par les vents et les marées. Il doit épauler pour quelques semaines Thomas Wake, vieux et âpre briscard qui s’occupe du phare depuis des années. Perturbé par l’accueil très rude que Wake lui réserve, Winslow se persuade peu à peu que l’îlot isolé abrite des sirènes.
Dès ses premières secondes, The Lighthouse instaure une atmosphère déroutante, tant visuelle que scénaristique qui, jusqu’à son final halluciné, ne se démentira jamais. Visuellement, la chose s’explique aisément : le réalisateur Robert Eggers (The Witch) a opté pour une image au ratio 1.19, un noir et blanc singulier ainsi que des optiques et pellicules vintage. Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2019 et primé à Deauville, convoque immédiatement les souvenirs des plus beaux plans de Fritz Lang ou Pabst.
Scénaristiquement, le trouble du spectateur est plus complexe. Porté par une interprétation fiévreuse de Robert Pattison, ce huis clos, inspiré par la disparition de gardiens de phare en 1801 au large du Pays de Galles, laisse en effet le spectateur se débattre dans un labyrinthe sensoriel aux multiples portes dérobées. Antre de la folie ? Chausse‑trappes de fantasmes sexuels poisseux ? Leurre de cauchemars éthyliques ? Souricière des grands mythes ou traquenard du folklore cauchemardé par l’écrivain culte H.P. Lovecraft ?
Cette sensation de désarroi et d’errance n’est pas le plus mince charme du film réservé à un public averti. Car après un temps de stupeur post‑visionnage, cette multitude de pistes à explorer autorisera chacun à interpréter à sa guise cette œuvre extrêmement singulière.