Aquaman
James Wan (auteur du tout juste passable Fast & Furious 7) s'attaque au tuning bling‑bling d'une BD à part dans l'univers des super‑héros, Aquaman de l'écurie DC Comics (Warner). Sa mythologie ne se déroule pas dans un Olympe idyllique ou un labo tapi dans l'ombre, mais à vingt mille lieues sous les mers, dans la cité engloutie de l'Atlantide.
Première scène du film et premier effet Wan : un pêcheur récupère sur la côte une sorte de sirène échouée moulée dans une combinaison de latex argentée (Nicole Kidman, l'ex‑Splash Daryl Hannah n'était pas libre ?), de leur histoire d'amour naîtra le petit Arthur, futur Aquaman (Jason Momoa, Game of Thrones), seul capable de ramener la paix dans son royaume subaquatique. Nicole Kidman, incarnation de la jeunesse éternelle au cinéma, campe à 51 ans une jeune maman en mode Karaté Kid face à des agresseurs bien décidés à la renvoyer dans ses profondeurs. On comprend vite que la crédibilité n'a pas présidé au cahier des charges du réalisateur pour sa vision d'Aquaman, qui transpose sans trop se poser de questions les planches de la BD, assumant virtuellement les chevauchées fantastiques à dos d'hippocampes et autres soldats‑crabes qui dégainent comme des mitraillettes.
La suite ne fera que confirmer son penchant pour l'artillerie lourde et les scènes enfilées comme des perles. Si la maîtrise des effets spéciaux est évidente, au fond, ils ne disent pas grand‑chose, à l'image de la troisième séquence du film : un combat sans queue ni tête dans un sous‑marin russe entre Aquaman devenu molosse et Black Manta dans sa version humaine. Plus tard, l'ennemi aquatique N°1 sera affublé de son costume noir inspiré des raies manta et d'une tête de fourmi géante aux yeux revolver. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une simple chèvre (le meilleur passage du film ?) nous décroche un sourire alors qu'Aquaman et sa copine Mera venue des flots (Amber Heard) sautent d'un avion dans le désert avant de terminer leur périple sous l'eau avec tous leurs congénères : King Nereus (Dolph Lundgren), Ocean Master (Patrick Wilson), Vulko (Willem Dafoe), Black Manta (Yahya Abdul‑Mateen) et bien sûr Atlanna (Nicole Kidman).
Avec son univers aquatique (un vrai défi technique) et son bestiaire fantastique, il a sans doute fallu des hectolitres de courage et une bonne dose de folie à James Wan pour adapter Aquaman au cinéma, au point d'en oublier visiblement tout sens du langage cinématographique. Sa vision très premier degré de la BD, doublée d'un graphisme franchement discutable bien que techniquement épatant, nous entraînent par le fond dans un océan de doutes. Au final, pas la moindre pensée écologique, pas une once de poésie non plus (souvenons‑nous de La forme de l'eau de Guillermo del Toro ou des grands classiques fantastiques comme L’étrange créature du lac noir, Jack Arnold, 1954), mais un grand coloriage criard de pages désespérément vides. Pendant ce temps, trois brillants réalisateurs réinventaient les codes du comics au cinéma avec Spider‑Man : New Generation. Un gouffre artistique les sépare.