par Laurence Mijoin-Duroche
04 mars 2019 - 17h00

Bohemian Rhapsody

année
2018
Réalisateur
InterprètesRami Malek, Gwilym Lee, Lucy Boynton, Ben Hardy, Aiden Gillen, Joseph Mazzello
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Le biopic est un art délicat. Rares sont ceux qui s'en sortent en évitant les écueils inhérents au genre : volonté d'exhaustivité, sujet le séant entre deux chaises, hagiographie, surenchère de maquillage pour ressusciter à l'écran l'être tant aimé, désir hollywoodien de plaire au plus grand nombre… Ajoutez à cette liste la participation au projet de personnes trop proches du sujet (pour ne pas créer d'interférences durant la production) et vous aurez un cocktail des causes qui ont contribué à faire de Bohemian Rhapsody un objet n'effleurant que la surface de sa matière (d'un point de vue narratif, tout du moins, le film raflant les récompenses, dont l'Oscar du Meilleur acteur pour Rami Malek, et explosant le box‑office).

 

Quel est le sujet de Bohemian Rhapsody ? Est‑ce Freddie Mercury, chanteur légendaire du groupe britannique ? Ou est‑ce Queen ? Un peu les deux, les producteurs Roger Taylor et Brian May, respectivement batteur et guitariste du groupe titan, contrôlant fermement la barre du vaisseau. À l'image de l'itinéraire hors norme de la formation britannique qui régna de 1970 à 1991, date du décès de Mercury, le film avance tel un navire amiral, sans heurts ‑apparents, du moins‑, déroulant ses tubes implacables et s'achevant sur l'apothéose du Live Aid en 1985, concert rassemblant les plus grands artistes de l'époque (de David Bowie à Elton John en passant par Madonna et Paul McCartney) et que Queen trusta avec panache.

 

Mais finalement, que nous raconte‑t‑on ? Que les tubes de Queen sont immortels ? Il faut l'avouer, la vision de Bohemian Rhapsody peut être réjouissante pour le fan, dont votre serviteur. Succession de hits, montage dynamique (tiens, encore un Oscar), acteurs parfaitement « castés » (Rami Malek restitue la gestuelle unique de Mercury, tandis que Gwilym Lee et Ben Hardy ont bien saisi le flegme de May et l'insolence de Taylor (le personnage de Deacon étant, comme le vrai, en retrait) : la success story fonctionne.

 

Et ça n'ira pas plus loin que ça. On n'y apprend rien qu'on ne savait pas déjà. Pis : les auteurs s'arrangent avec la réalité pour livrer le récit hollywoodien qui saura entretenir le mythe. Quitte à dépasser les limites. Rétablissons la vérité, Mercury n'aurait appris sa séropositivité que deux ans après le Live Aid ; le groupe ne s'est jamais officiellement séparé ; et Mercury n'a pas été le premier à tenter un album solo : Taylor puis May l'ont fait avant lui. De là à penser que ces derniers ont tenté de réécrire l'histoire à leur avantage, il n'y a qu'un pas.

 

Au‑delà des approximations et contre‑vérités, Bohemian Rhapsody est un film lisse, aimable, qui cache ce que le grand public ne saurait voir. Sous le tapis les bacchanales décadentes du groupe (ici reléguées au rang de gentille boum où May et Taylor passent pour des modèles de vertu). Vous ne verrez donc pas les plateaux de cocaïne, les lancers de nains et les flots de champagne, seulement un Mercury tout droit sorti de cruising, flanqué d'une bande d'homosexuels dépeints comme infréquentables. Contrairement à ce qui a pu lui être reproché, le film n'ignore pas la bisexualité du chanteur. Mais, et c'est peut‑être pire, il pose un point de vue bienséant, presque moraliste, sur la vie de la star. Tout simplement en péchant par omission, en ripolinant ses excès, ses frasques. OK, Bohemian Rhapsody n'est pas rock'n'roll. 

 

À défaut, on aurait pu espérer découvrir les arcanes du processus de création des quatre musiciens (c'est un élément intéressant que montre le film : chacun a composé son lot de tubes). Mais c'est une nouvelle déconvenue, l'analyse restant superficielle et limitée aux morceaux les plus connus de Queen. D'où viennent les influences de Mercury ? Quel fut l'impact de son enfance à Zanzibar puis de ses années d'internat en Inde ? Certes, la carrière monumentale du groupe est incondensable en un seul long métrage. Mais là encore, un angle aigu aurait été préférable au balayage superficiel qui nous est proposé.

 

Finalement, Bohemian Rhapsody, qui surnage lorsqu'il accepte de montrer les failles de son héros (les séquences solitaires de Mercury par exemple), laisse un goût amer en bouche : l'esprit libre a du plomb dans l'aile. Mais qu'importe, qu'importe que Mercury ne soit plus là, qu'importe que la vérité soit malmenée : le spectacle doit continuer. Queen, qui pourtant n'est plus, occupe encore le devant de la scène. La reine est morte, vive la reine.

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4k
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Tous publics
Prix : 29,99 €
disponibilité
06/03/2019
image
1 UHD-66 + 1 BD-50, 134', toutes zones
2.35
UHD 2 160p (HEVC)
HDR10+
16/9
bande-son
Français DTS 5.1
Anglais Dolby Atmos
Anglais Dolby TrueHD 7.1
Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Anglais Audiodescription
Allemand DTS 5.1
Italien DTS 5.1
Espagnol Dolby Digital 5.1
Tchèque Dolby Digital 5.1
Polonais Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, anglais pour sourds et malentendants, espagnol, danois, néerlandais, finnois, allemand, italien, norvégien, suédois, polonais
10
10
image

Une image ébouriffante qui ne faiblit jamais, haute en couleur, festive, tape‑à‑l'œil voire parfois too much dans sa reconstitution mais dotée d'un rendu sublimissime en 4K (la comparaison avec le simple Blu‑Ray pique un peu les yeux) et de trois grandes qualités tout de suite identifiables : une définition assez inouïe, un niveau de détail exceptionnel et une densité des couleurs étonnante. À ce titre, certains gros plans sur Rami Malek/Freddie Mercury, peau hâlée et Ray‑Ban vissées sur le nez, donnent encore des frissons. 

 

Ce sont bien sûr les tenues de Freddie Mercury qui profitent de cette effervescence des couleurs avec des rouges à peine croyables (sa cape et ses cuirs rouges en sont les plus beaux exemples), mais aussi les décors, reconstitués avec un soin indéniable et une certaine folie des grandeurs. Les textures cuivrées de certains d'entre eux (le bureau de « Miami Beach » ou l'appartement que Mercury partageait avec son grand amour Mary Austin) rendent si bien à l'image qu'elles ressemblent à de véritables time‑capsules. Et que dire des noirs, imbattables…

 

Autre motif de satisfaction, le fait que cette 4K (impossible de savoir si le film a profité d'un DI 4K ou 2K, la majorté des séquences ayant été captées en 6,5 K ou 3,4K) excellente dans tous les secteurs de jeu (profondeur, relief, transparence, vibrance…) ne tombe jamais dans l'outrance. Le film ne bave pas. Ne scintille pas. Ne met jamais en exergue ce qui ne doit pas l'être en voulant à tout prix donner dans la démonstration de force. Et même si l'on aurait parfois aimé une photographie plus « réelle » voire roots ou du moins argentique (mais cela aurait définitivement été un autre film, celui‑ci a été tourné en numérique…), le procédé HDR10+ (grande nouveauté signée Fox) nous procure déjà un immense plaisir. Difficile après cela de ne pas enfourner dans le lecteur le concert Live Aid, le vrai, pour se replonger dans ce moment de légende de l'histoire de la musique contemporaine.

10
10
son

Bohemian Rhapsody, I Want To Break Free, Radio Ga Ga, Hammer to Fall, Crazy Little Thing Called Love, We Are the Champions, We Will Rock You et consorts en Dolby Atmos, cela ressemble à un jour de fête en pleine semaine ou un mois de mai en plein hiver, une bulle d'air euphorisante procurant une sensation libératrice assez galvanisante. À écouter à fond les manettes, cette VO Dolby Atmos permet largement de pousser les curseurs pour jouer l'immersion totale. Certains en profiteront même pour (re)découvrir la voix de Freddie Mercury, on pense bien sûr à la nouvelle génération. 

 

En VF, tout y est (la clameur des 100 000 personnes venues assister au Live Aid, les effets de vague avant/arrière) mais en plus étriqué, en moins aéré et surtout en moins « Queen ». Pour la démesure qui va de soi, le jeu de tous ces excellents comédiens (on a particulièrement aimé la personnalité de Ben Hardy dans la peau Roger Taylor) et le retour dans le temps, celui où Mercury était encore vivant, VO obligatoire. D'autant que les canaux Atmos sont largement sollicités.

5
10
bonus
- Séquence du Live Aid dans son intégralité (six morceaux) incluant deux chansons inédites (We Will Rock You, Crazy Little Thing Called Love) (22')
- La transformation de Rami Malek en Freddie Mercury (16')
- Le look et le son de Queen (22')
- Reconstitution du Live Aid (20')
- Bande-annonce, croquis, photos

Sans surprise ou presque c'est le bonus le plus technique (« Reconstitution du Live Aid », 20 minutes) qui se montre le plus intéressant à suivre, les autres modules, très orientés promotion et gorgés d'images du film, marquent par leur absence de point de vue, notamment celui du réalisateur (logique quand on sait les problèmes que le film a connus en cours de route, avec changement de metteur en scène pour ses quatre dernières semaines de tournage). 

 

On suit donc avec Roger Taylor et Brian May découvrir, tout émerveillés, la scène du Live Aid et ses backstages reconstitués pour l'occasion au millimètre près à partir des vestiges des plans d'origine de Wembley et des photos d'époque. Deux techniciens ayant officié sur le concert ont d'ailleurs apporté leur soutien et leur regard sur l'éclairage, le dépouillement de la scène (l'organisation désargentée de Bob Geldof n'avait alors alloué que très peu de budget à la scène dans l'optique de récolter le plus fonds de possible pour la lutte contre le sida…). 

 

Dans un souci d'authenticité pour le public mais aussi pour les comédiens (qui ont démarré le tournage par cette énorme séquence en forme d'apothéose), tous les instruments présents à l'image étaient en état de fonctionnement. Un souci du détail qui va même se loger jusque dans la paire d'Adidas que porte Freddie Mercury dans le film, reproduites à l'identique par la marque pour les besoins du tournage.

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