Mission impossible : protocole fantôme
Ce que raconte la quatrième adaptation de la série créée par Bruce Geller en 1966 n’a évidemment guère d’importance. En deux mots, l’agent Ethan Hunt (Cruise toujours) est exfiltré d’une prison russe afin de mettre la main sur Cobalt (Michael Nyqvist, le détective de Millénium), un scientifique psychopathe qui a décidé, comme au bon vieux temps des Bond des Sixties, de déclencher une guerre nucléaire. Mais l’opération tourne mal lorsque le Kremlin part en fumée. Résultat, les USA sont désignés du doigt, l’agence IMF est supprimée, ses agents publiquement désavoués et le gouvernement américain n’a plus qu’à lancer le fameux « protocole fantôme ». Cela semble tout changer pour les personnages mais pour le spectateur, cela ne change rien. Ethan et sa nouvelle bande (Simon Pegg, l’acteur de Shaun of the Dead, Jeremy Renner de Démineurs et Paula Patton) feront encore une fois de « l’escapisme », mais oriental cette fois (Dubaï puis Mumbai).
L’intérêt de cette nouvelle mission réside dans le choix plutôt inattendu du réalisateur. Après De Palma, Woo et Abrams, c’est au tour de Brad Bird, l’homme des Indestructibles et de Ratatouille, de tourner son premier film en prises de vues réelles. D’où une question : comment Bird allait‑il convertir son talent pour l’animation dans le monde en chair et en os du cinéma d’action hollywoodien ?
La première réponse semble évidente si l’on considère, à juste titre, que l’essentiel des blockbusters américains ressemblent aujourd’hui à de gigantesques cartoons ‑qui des capacités de trucage et de métamorphose infinies offertes par les effets numériques, qui des prouesses délirantes de leurs héros increvables à l’intérieur d'un monde de pixels, etc.‑ Or, c’est précisément dans la cartoonisation de la licence Mission impossible, dans le réemploi de motifs propres au style Pixar, que ce Protocole fantôme tire, et plutôt bien, son épingle du jeu.
Après la version tragico‑lyrique de John Woo (M:I2, la plus belle ?), la greffe de l’univers des séries télé dans M:I3, Bird retraite les situations et tous ses personnages sous l’angle de l’animation, et donc de la programmation. Mais contrairement aux Transformers (cliquez sur Transformers 3, la face cachée de la Lune 3D pour accéder au test de la rédaction) et aux innombrables adaptations de comics qui veulent faire croire à un usage adulte de cette cartoonisation, Bird, lui, filme du point de vue de l’infantilisation du cinéma d’action américain, à mi‑chemin du jeu vidéo, du dessin animé et du jouet.
Dans M:I4, Bird, dès qu’il le peut, multiplie les séquences au cours desquelles les espions ne sont plus que des créatures téléguidées par des informaticiens (excellente évasion de Hunt soumise au bon vouloir d’un geek mabusien), les rouages d’un programme mécaniste (voir le face‑à‑face final entre Cruise et le bad guy digne de Toy Story 3 ou de Monstres et Cie), ou des figurines contraintes d’endosser des tenues « intelligentes » mais en caoutchouc pour escalader des gratte‑ciels.
Ici, le cartoon n’est plus le principe extravagant d’un genre bigger than life, mais la Loi (amusante et amusée) qui contrôle ceux qui se prennent pour des humains. Ludique et intelligent, M:I4 réactualise ici les grands thèmes de la série (la programmation, l’illusion, la manipulation), non pas par excès de réalisme (fausse piste : M:I3, le syndrome Jason Bourne), mais en lui injectant le sang infantile et vivifiant des bonnes images animées.