Blade Runner 2049
Los Angeles, 2049. Dirigée par Niander Wallace (Jared Leto en démiurge aveugle et implacable), la Wallace Corporation a créé une armée de « réplicants » dociles et formatés. L’agent K. (Ryan Gosling) est engagé pour débusquer les anciens spécimens qui pourraient se liguer contre le système. Sa mission le mène bientôt sur les traces d’un ancien blade runner disparu depuis trente ans, Rick Deckard (Harrison Ford).
Trente‑cinq ans se sont écoulés depuis le chef‑d’œuvre SF indiscutable de Ridley Scott (Blade Runner), inutile donc de préciser que ce relais tardif allait engendrer son lot de comparaisons, attentes déçues, ou à l’inverse, une véritable claque cinéphilique. Car le Canadien Denis Villeneuve a déjà révélé son potentiel avec son remarquable Sicario (2015) ou sa dernière œuvre d’anticipation Premier contact (2016). Dans le sillage du monument de 1982 (son film de chevet au passage), le cinéaste a conscience de la difficulté de l’hommage comme de l’impossible relecture. Saturée et impersonnelle, Los Angeles a conservé sa noirceur et son brouillard de pollution des origines, la solitude urbaine côtoie un système excluant et ultra‑codifié. Programmé pour traquer, l’agent K (baptisé selon le roman existentialiste de Kafka, Le procès) recherche toutefois le lien humain par le biais d’une jolie poupée virtuelle (idée assez simpliste par ailleurs), laquelle occasionne une scène d’amour à trois ‑limites de la RealDoll obligent‑ numériquement ratée.
Reste l’autre quête, personnelle et douloureuse, cette question identitaire qui ne le quittera plus dès l’ouverture grandiose sur un désert glacial et nimbé de brume (référence flagrante à Stalker de Tarkovski). La mission de routine bascule aussitôt en une investigation intime, l’espoir d’un repère filial, la résistance de micro‑souvenirs d’enfance surgissent comme des fulgurations réconfortantes dans un monde fascisant et uniformisé. La photographie hypnotique (immense travail du chef‑opérateur régulier Roger Deakins) le rend hybride et inaccessible, d’autant plus que l’apesanteur délibérée des plans‑séquences nous laisse le choix d’embarquer ou pas dans cette épopée solitaire plastiquement sublime.