The Lost City of Z
Angleterre, début XXe. Lorsque la Royal Geographic Society sollicite les savoirs topographiques de Percival Fawcett (Charlie Hunnam, Sons of Arnachy) afin de définir les frontières entre la Bolivie et le Brésil, le jeune père de famille y voit une occasion de redorer le blason de ses aïeux, ruinés à cause des jeux et de l’alcool. Grisé à l’idée d’acquérir une certaine reconnaissance auprès de la haute société, il embarque pour plusieurs mois d’expédition accompagné d’un aide de camp, Henry Costin (Robert Pattinson, caméléon au possible). De retour au pays, l’explorateur affirme l’existence d’un hameau millénaire au cœur de la jungle équatoriale, il la surnomme « la cité Z ».
La croisade ambitieuse et de longue haleine de Percy Fawcett coïncide de toute évidence avec la persévérance du réalisateur de La nuit nous appartient. James Gray a laissé mûrir son projet d’adaptation depuis la parution du roman historique et biographique de David Grann en 2009, faute de budget et de soutien de la profession. Le résultat est bluffant.
À mi‑chemin entre le récit d’aventures, la fresque intimiste et la lutte des classes, le film assoie ses particularités à travers les aller‑retour du protagoniste sur vingt ans, soit le tiraillement dans l’espace d’un homme morcelé. Explorateur progressiste mais père et mari absent, il n’en démord pas quant à sa quête vertigineuse d’une contrée extraordinaire, qu’il prêtait à un délire d’autochtone au début de son périple. Elle devient sa raison d’être et sa folie contaminatrice, le poursuivant jusque dans les tranchées de la Première guerre mondiale, entraînant son fils aîné dans l’aventure qui s’achevera avec leur disparition irrésolue en 1925.
Entre l’hostilité réelle de la jungle et les fantasmes qu’elle fait germer dans l’imaginaire occidental, James Gray propose une parenthèse merveilleuse suspendue dans le temps : éreintés, affamés, Fawcett et ses hommes approchent une seule fois la fameuse cité perdue, par le fleuve, dans la posture des pionniers du vieux continent. Ils chassent un porc, ramènent un morceau de poterie, assistent à l’irruption d’une panthère majestueuse. Escale hallucinée. La forêt apparaît comme un mirage menaçant mais grandiose, carnassière et magique, magnifiquement photographiée par Darius Khondji (Okja, The Immigrant, Amour). Un chef‑d’œuvre.