Moi, Daniel Blake
Daniel Blake, menuisier de 59 ans, doit arrêter de travailler en raison de problèmes cardiaques. L’aide sociale lui refusant une pension d’invalidité, il doit à nouveau chercher du travail. Daniel Blake fait la connaissance de Katie Morgan, une mère célibataire de deux enfants contrainte de vivre dans un logement social très éloigné des siens, afin d'éviter le foyer pour sans‑abris. Daniel et Katie vont tenter de s’entraider.
La mise en scène dépouillée palmée à Cannes permet de suivre sans artifice esthétique deux survivants. Daniel et Katie ne sont pas des vaincus, ils sont des victimes. Empêtré dans un système administratif kafkaïen qui fait l’impossible pour ne pas leur accorder les droits élémentaires censés les protéger, le duo va vivre ensemble une sobre histoire d’amour filiale. Ken Loach offre un cadre épuré qui permet à ses deux excellents comédiens principaux de développer leur personnage avec justesse. C’est le très gros bon point du film.
Mais le réalisateur britannique ‑qui n’a jamais caché ses idées sociales‑ construit un récit malgré tout assez manipulateur qui paraît contradictoire avec ses aspirations. À l'inverse d'un Stéphane Brizé qui, avec sa formidable Loi du marché, donnait à réfléchir et à méditer en montrant simplement le réel, Ken Loach prend le parti de guider l’émotion, de prendre le spectateur par la main. De clairement lui indiquer qui sont les bons, ceux qui survivent en marge du système ou tentent d’en pallier les failles, et qui sont les méchants, les serviteurs du même système.
La situation que le réalisateur britannique dénonce ‑une architecture administrative inique‑ est bien réelle et méritait d’être exposée dans son absurde, terrifiante et banale cruauté. Mais le cinéaste paraît ne pas faire suffisamment confiance à ses spectateurs pour s’en faire eux‑mêmes un avis.
Si Moi, Daniel Blake sait dessiner le beau portrait de personnages qui restent droits dans leurs bottes face à l'adversité, le film oriente tellement le débat qu’il paraît postuler que les spectateurs, eux aussi pris dans le système, ne sont plus vraiment capables d’élaborer leur propre réflexion. Comme s’il était déjà trop tard. Ce qui n’est pas le cas. Daniel et Katie le prouvent bien, chacun à sa manière.