Icon of French Cinema
De retour à Paris après des années passées à Los Angeles, Judith Godrèche (dans son propre rôle), actrice jadis célèbre, veut faire son comeback. Elle veut également réussir le rôle de sa vie : mère célibataire !
Balance ton pygmalion
Il y a comme un léger malentendu avec la série écrite, jouée et réalisée par Judith Godrèche : elle n’a jamais été une icône du cinéma français. À la limite un espoir aux trois nominations aux César, et encore. Du coup, on ne sait donc jamais vraiment si le titre Icon of French Cinéma est à prendre au premier ou au second degré. Quelle est la place que pense avoir dans le cinéma français Judith Godrèche ? À la fin de la série, largement autobiographique, c’est un mystère…
Passé cela, il faut bien avouer que la série est une bonne surprise. Pour peu qu’on prenne au second degré sa vision d’une actrice hors sol et au premier sa dénonciation de l’emprise masculine d’un réalisateur (qui ne sera jamais nommé) sur une actrice préadolescente. Toujours entre deux tonalités, Icon of French Cinema s’amuse du star‑système tout en dénonçant certaines de ses dérives les plus sordides.
À travers son autofiction, Judith Godrèche se dévoile comme rarement. Elle raconte ses errances actuelles d’ex‑célébrité et ses traumas dans les bras/griffes de son réalisateur des Mendiants (1988), Benoit Jacqot, avec lequel elle était en couple du haut de 15 ans et lui de ses 40. La légèreté des 6 épisodes est bel est bien un voile pudique sur une partie de sa vie dont elle a mis plus de 30 ans à s’ouvrir.
La série est emplie de cette blessure fondatrice de l’actrice et du message, on ne peut plus explicite qu’elle assène à sa fille (dans la série et dans la vie) : attention (les filles) aux Pygmalion ! On lui pardonnera assez vite ses maladresses de réalisation, car elle est assez touchante et sonne très juste. Nombriliste par essence, Icon of French Cinema est surtout une autofiction dans laquelle on cherche par moment la fiction.
Emois et moi, émois
Le gros bémol de la série reste paradoxalement son actrice principale qui ne semble jamais complètement assumer l’autodérision. On la sent obligée de sur‑jouer l’Actrice, pour bien nous faire comprendre que ses galères de comédienne qui ne décroche aucun rôle, hormis une participation à Mask Singer et que l’on confond toujours avec Juliette Binoche, ce n’est pas vraiment elle ! C’est limite si Judith Godrèche ne nous fait pas des clins d’œil à chaque plan, histoire de nous rappeler qu’elle n’est pas si pathétique que cela. Du coup, quand elle nous raconte son adolescence, une distance s’est installée qui ne sert pas forcément ni la série, ni son propos.
Sans doute encore dans une sorte de souffrance traumatique dont elle n’arrive pas trop à se dépêtrer (qui pourrait ?), l’actrice parait chercher tout au long de la série à se faire aimer. De sa fille, de son agent, du public, des réalisateurs, d’un homme… Dans le même temps, il est clair qu’elle a paradoxalement peur de cet amour dont elle a tant besoin.
Peu à peu, un malaise s’installe pour le spectateur. Prisonnier de la réalisatrice/actrice/sujet, il assiste à une thérapie impudique alors qu’on lui a vendu une comédie. Le mélange des genres est un exercice très difficile, surtout quand il s’attaque à des sujets tels que l’emprise et le patriarcat du milieu du cinéma.
On peut reprocher à Judith Godrèche un certain nombrilisme, un maniérisme arty et au final une mise en scène et un scénario parfois bancals, mais certainement pas une authenticité et un certain culot qui n’ont d’égale que la folie douce qui fait son charme, et celle de sa série.