par Jean-Baptiste Thoret
13 juin 2014 - 16h44

Diary of the Dead : chroniques des morts vivants

VO
Diary of the Dead
année
2007
Réalisateur
InterprètesShawn Roberts, Michelle Morgan, Nick Alachiotis
éditeur
genre
notes
critique
7
10
label
A

En 1968, personne n’aurait imaginé, pas même le jeune George Romero, que La nuit des morts vivants, petit film horrifique tourné en noir et blanc dans la campagne de Pittsburgh, décrivant la lutte d’un groupe d’humains contre des hordes de zombies, jetterait les bases du film d’horreur moderne (l’Autre, c’est le même) et continuerait, quarante ans plus tard, de hanter le cinéma américain (et la série TV).

Avec le mort vivant, métaphore limpide d’une Amérique déliquescente en proie à un refoulé qui fait retour, Romero propulse le film d’horreur sur un terrain explicitement politique, et invente une figure porteuse d’un désir de changement. Bloc insensé et polysémique, buvard livide capable d’absorber les terreurs de son époque, il cristallise aujourd’hui comme hier une nouvelle société qui veut absorber l’ancienne.

Après Zombie et sa critique radicale de l’entropie consumériste (le capitalisme et son principe cannibalique, 1979), Le jour des morts vivants (pamphlet satirique sur les dérives de la science et de la tentation sécuritaire, 1985) et le plus récent Land of the Dead, fable caustique sur l’Amérique post-11 septembre (paranoïa et désir de repli face à un monde radicalement anxiogène, 2005), Romero cale son pas sur un groupe d’étudiants en cinéma qui, afin de conjurer le chaos provoqué par le retour soudain et inexpliqué des morts à la vie, décident de braquer leurs caméras sur le phénomène.

À 68 ans en 2007, Romero n’a rien perdu de son scepticisme très Watergate à l’égard des grands médias, doute parfaitement intégré par la génération Youtube et les personnages de Diary of the Dead qui, peu convaincus par les versions officielles des grands Networks, décident de documenter la réalité par ses marges (internet, ses blogs, ses sites de partage vidéo, ses journaux intimes, etc.).

Jason Creed, l’apprenti réalisateur du film dont nous découvrons alors le travail posthume (Death of the Death, un documentaire constitué d’images vidéo de sources multiples), croît dur comme fer à cette loi énoncée par l’un de ses compagnons de route au milieu du film : « La panique commence lorsque l’on ne connaît pas la vérité ». Mais, à la différence du Redacted de Brian De Palma dont il constitue la version réussie et subtile (ici, la prolifération des images ne sert pas d’alibi au retour d'un grand récit linéaire et lisible), Diary of the Dead démonte brillamment les rouages de notre utopie techno‑médiatique. La vérité d’un événement, peu importe qu’il s’agisse de la guerre en Irak ou d’une invasion de zombies, dépend‑elle forcément du nombre de regards que l’on pose sur lui ?

Après le soupçon d’un mensonge généralisé (l’Amérique de Nixon et des « plombiers »), voici donc venu le temps du bruit. Dans Diary of the Dead, l’inflation de l’information produit à la fois une neutralisation du « réel » (filmer consiste en une double opération de protection contre l’horreur du monde et d’immunisation contre cette réalité qu’on enregistre), et une déflation absolue du sens, puisqu’à la fin, on n'en sait pas plus qu’au début.

Au fond, l’image de la réalité est à la réalité ce que le zombie est pour nous : une pâle copie du vivant, son simulacre dévitalisé et proliférant, régi par une même compulsion. Images pour les uns, chair pour les autres.

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dvd
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Diary of the Dead
- de 12 ans
Prix : 19,99 €
disponibilité
20/01/2009
image
BD-50, 95', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français
7
10
image
Les images étaient déjà plutôt écœurantes sur l'édition DVD, mais en HD, elles le sont un peu plus encore. Attention toutefois, en raison de la variété des sources et des nombreuses scènes sombres, la définition est loin d'être ultra‑précise et le niveau de contraste a tendance à se montrer aléatoire.
7
10
son
Le mixage 5.1 mise lui aussi sur l'authenticité, mais n'hésite à multiplier les giclées acoustiques à chaque fois qu'un zombie apparaît et qu'un personnage se fait mordre.
7
10
bonus
- Commentaires audio du réalisateur, d'Adam Swica et de Michael Doherty
- La parole des morts, conférence donnée par le réalisateur à Toronto (16')
- Confessions des personnages (21')
- Zoom sur le design et la photo du film (20')
- Bandes-annonces (19')
Un habillage original pour des suppléments classiques mais de qualité. Piste de commentaires audio intéressante.
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