Gravity
Pour le Docteur Ryan Stone (Sandra Bullock), brillante experte en ingénierie médicale, et l'astronaute chevronné Matt Kowalsky (George Clooney), l’expédition à bord de leur navette spatiale va virer au cauchemar. Alors qu'ils sont en train de travailler sur le téléscope Hubble à l'extérieur de l'habitacle, leur navette est pulvérisée par une pluie de débris qui s'abattra sur eux toutes les 90 minutes, laps de temps nécessaire aux objets, à cette altitude‑là, pour faire le tour de la Terre, entraînés par sa gravité.
Au‑delà de ses images spectaculaires, de sa 3D totalement immersive, de son incroyable scène d’ouverture (un plan‑séquence de 12 minutes époustouflant), de cette invitation au voyage dans l’espace (dont tous les astronautes de la planète diront qu'il s'agit là d'une version très proche de leur ressenti), de l’expérience cinématographique sensorielle poussée à son paroxysme, du survival de l'espace haut en suspense, de la performance impressionnante de Sandra Bullock, de celle de George Clooney ‑rouage scénaristique essentiel qui hante tout le film‑, n’en déplaise à certains (beaucoup ?), Gravity est loin d'être « que » cela.
C’est aussi un scénario bien loin d’être aussi minimaliste que certains ont bien voulu le souligner. À la forme, Gravity fait avant tout correspondre une réflexion saisissante sur le deuil et, d'une manière plus générale, sur la résilience, dont ce voyage dans l’espace file la métaphore du début à la fin (la présence de l'élément vital « eau » bien sûr, mais aussi les débris qui foncent sur nos personnages, telles les épreuves de la vie). Une splendide mise en abyme de la renaissance d'une femme pour une odyssée de la vie aussi dépouillée que chargée en émotion.
Là où d’autres blockbusters accumulent les morts comme on distribue des prospectus, le film de Cuarón se focalise sur la survie d’une seule personne. Un être infiniment petit, perdu dans l'immensité de l'espace et soumis au perpétuel acharnement des coups du sort. Alfonso Cuarón évite pourtant les pièges du flashback et du pathos : ici, ce n'est pas l’être cher à jamais perdu qui donne la force de se battre, mais bien le sacrifice d’un inconnu. Une histoire d'une simplicité désarmante qui puise toute sa force dans la mise en scène aérienne de Cuarón, livrant au passage quelques poignées d'images qui resteront.
Bien sûr, Gravity, ce n’est pas 2001, l’odyssée de l’espace. Mais le film n’avait pas vocation à l’être. Il est beaucoup plus terre à terre que le film de Kubrick, il est aussi simple, plus abordable, plus universel. C’est aussi ce qui le rend beau et bouleversant.
Profitons pleinement de ce grand moment de cinéma qui, depuis quelques années, a tendance à être trusté par les films de super‑héros engoncés dans leurs collants et dont les budgets sont souvent inversement proportionnels à l'intérêt des histoires qu’ils racontent. Les suites s’accumulent, les franchises fleurissent, bref, on n’avait rien trouvé de mieux depuis la lobotomie. Dans ce contexte peu réjouissant, Gravity fait figure d’ovni cinématographique et prouve que réaliser un blockbuster pour adultes, et obtenir en même temps un immense succès, est possible. Du cinéma vital.