Conversation secrète
Palme d’or au Festival de Cannes en 1974, Conversation secrète (The Conversation) n’est pas le plus connu des films de Francis Ford Coppola, dont on retient plus volontiers les grandes fresques opératiques que sont Apocalypse Now et bien sûr la trilogie des Parrain.
Pourtant, le sixième film de Coppola occupe une place de choix au sein d’une filmographie prolixe, qui a traversé et incarné l’âge d’or du Nouvel Hollywood, connut des jours plus difficiles au cours des années 1980, avant de retrouver un second souffle au début des années 2000.
Harry Caul (Gene Hackman), décrit comme le meilleur expert en écoute téléphonique de la côte Ouest, vit dans un appartement protégé et, occasionnellement, sort avec une femme qui ne sait rien de lui. Son seul plaisir semble être son saxophone et sa collection de disques de jazz. Un jour, il est engagé afin de suivre un couple et enregistrer leurs conversations. De retour chez lui, il écoute les bandes et se convainc que le couple en question court un danger mortel. Caul refuse alors de remettre les bandes à son commanditaire et décide de mener lui‑même l’enquête.
Conversation secrète marque pour Coppola le retour à un type de film plus intimiste, plus confidentiel aussi, très éloigné du grand barnum que fut Le parrain. Il faut rappeler qu’adolescent, le jeune Coppola adorait bricoler des dispositifs électroniques, afin de mettre le téléphone de ses parents sur écoute. Il avait même imaginé, enfant, planter des microphones dans les radiateurs du salon familial afin de savoir ce que ses parents projetaient de lui offrir pour Noël.
Des années plus tard, en 1966, cette fascination pour la surveillance, et plus précisément pour la puissance de la technologie, prendra un nouveau tour au cours d’une conversation avec le réalisateur Irvin Kershner (Les yeux de Laura Mars), lequel lui apprend l’existence de micros ultra‑puissants, capables d’isoler des voix au milieu d’une foule et de les enregistrer. Conversation secrète, comme un écho à cette découverte, s’ouvre ainsi par une séquence issue de cette discussion puisque, sur Union Square, à San Francisco, on suit le travail d’un groupe d’experts en écoutes téléphoniques, en train de braquer leurs micros‑fusils en direction d’un couple dont ils cherchent à capter la conversation.
Coppola continue à faire des recherches sur les techniques sonores de pointe, les systèmes d’enregistrements, légaux et illicites, et rencontre notamment Bernard Spindel, un expert qui avait travaillé pour le compte de Jimmy Hoffa, le leader du syndicat américain des camionneurs, les Teamsters. En 1967, Coppola s’attelle enfin à l’écriture du scénario de Conversation secrète et façonne son personnage principal, Harry Caul, sur le modèle de Hal Lipset, un magicien du son qui fut chargé d’analyser, au cours de l’enquête sur le Watergate, les fameuses 18 minutes « vierges » des enregistrements de la Maison‑Blanche. Lipset sera d’ailleurs crédité au générique du film comme consultant.
Conversation secrète n’est pas seulement l’une des œuvres les plus personnelles et subtiles de son auteur, c’est aussi un chef‑d’œuvre. Un des musts de cette fin d'année en vidéo.