Elephant
Après le fameux Bowling for Colombine de Michael Moore, dont le titre faisait explicitement référence à la tragédie survenue dans cette université éponyme (deux jeunes gens avaient débarqué dans la cafétéria de la fac, armés jusqu'aux dents et décimé des dizaines d'étudiants), c'est au tour en 2003 de Gus Van Sant de prendre comme toile de fond l'un des faits divers qui choqua le plus profondément l'Amérique des années 90 et remit sur la sellette le fameux article Premier de la Constitution autorisant chaque citoyen américain à détenir une arme (article maintes fois remis en cause depuis, sans succès).
Mais dans Elephant, nulle volonté de reconstituer les événements à la manière d'un biopic. Le film se concentre sur les quelques minutes qui précédèrent la tragédie et suit le parcours d'une poignée de personnages.
Après le remake de Psycho de Hitchcock et Gerry, Elephant constitue le troisième volet d'une trilogie expérimentale et conceptuelle. Découpé en longs travellings hypnotiques et scandé par des plans de ciel, Gus Van Sant plonge le spectateur dans un état atmosphérique et trouve une forme envoûtante qui traduit la dimension inexorable du récit (chacun sait comment le film se termine).
À aucun moment, Van Sant ne tente d'expliquer la motivation des deux tueurs mais suit l'implacable progression d'un projet aussi arbitraire qu'inepte. Pour la petite histoire, notons que Gus Van Sant a avoué s'être inspiré des dessins reproduisant la trajectoire de la balle qui tua le président Kennedy en 1963 pour établir le trajet de ses personnages. Absolument remarquable.