par Jean-Baptiste Thoret
28 février 2013 - 10h39

Skyfall

année
2012
Réalisateur
InterprètesDaniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem, Ralph Fiennes, Naomie Harris, Ben Whishaw, Bérénice Marlohe
éditeur
genre
notes
critique
7
10
label
A

Comment faire du neuf avec du vieux ? Comment, pour sa 23e apparition, susciter encore l’intérêt des spectateurs pour cet agent secret increvable, dont des rumeurs disent, qu’après la blondeur et les yeux bleus de Daniel Craig, il pourrait avoir la peau noire (Idris Elba, Luther ?), manière de mettre 007 à la page de l’Amérique post‑Obama. Cela dit, que vaut ce Skyfall ?

Disons qu’il constitue d’abord, comme la plupart des récents James Bond, un très bon thermomètre du cinéma d’action contemporain. On se souvient de ceux avec Pierce Brosnan tournés dans les années 1990 ‑la période noire de la licence avec les opus de Timothy Dalton, mais tout le monde l’a oublié‑, comme se traînant péniblement derrière les blockbusters de l’époque.

Avec Skyfall, on assiste à un Reader’s Digest rigoureux du genre : crise identitaire à la Jason Bourne (Bond est donné pour mort et ressuscite lui aussi d’entre les eaux), chassé‑croisé au sommet d’un building de verre et de néons directement inspiré de l’esthétique post‑moderne de Michael Mann, dernière partie dans les Highlands d’Écosse (mais heureusement sans Harry Potter à l’horizon), grande séquence centrale de suspense rejouant au plan près le Dark Knight de Christopher Nolan.

Pourquoi Batman ? Parce que le méchant de service, interprété par Javier Bardem, est une déclinaison peroxydée du Jocker de The Dark Knight, mais aussi parce qu'après cinquante ans de bons et loyaux services, après des centaines de missions et de femmes fatales étreintes puis supprimées, après avoir fait plusieurs fois le tour du monde pour toujours revenir dans les parages de Big Ben, Bond, James Bond, est confronté à une immense crise existentielle. La même que celle qui, depuis le milieu des années 2000, frappe tous les super‑héros du cinéma hollywoodien, et en particulier le justicier de Gotham City.

Décidément, la dépression des héros mâles est plus hype que jamais. Est‑ce d’ailleurs un hasard si la fameuse James Bond Girl n’occupe cette fois qu’un strapontin et que la grande séquence de séduction a lieu entre deux hommes : Bond, attaché à une chaise, et sa Némesis, homosexuel patenté qui écoute du Charles Trenet et balade sa main sur le torse musclé de 007, lequel, d’ailleurs, ne semble pas s’en offusquer. Qui aurait cru qu’un jour, pour coller à l’air du temps, James Bond deviendrait gay friendly ?

Vous l’aurez compris, le vrai problème de Bond, c’est Bond lui‑même : sa motivation, plutôt en berne, sa vie privée, toujours veuf et célibataire, sa chef, Maman Q, que le gouvernement britannique aimerait bien envoyer en maison de retraite, son foie, au bord de la cirrhose, et puis ses gadgets, cette fois, un simple Walter PKK et une petite radio. On l’aura compris, même la crise des subprimes a touché Bond et son fameux Q, sorte de Géo Trouvetou désormais remplacé par un ado pré‑pubère qui ne connaît du monde que les écrans de sa PlayStation : plus de stylos incendiaires, plus de pistolets python laser ou anti‑requin, plus de cigarettes sarbacanes ou de dentifrice explosif, plus de montre avec système de démolition intégré ni de Lotus transformable en sous‑marin. C’est la diète intégrale.

Reste une pièce de musée, qui réapparaît en fanfare au milieu du film, la fameuse Aston Martin DB5 avec mitraillettes, que l’on n'avait pas revue depuis l’époque de Sean Connery. Mais cette pièce de musée n’est pas qu’un gimmick prompt à faire tressauter le fan, non, elle constitue aussi la clé du récit, puisque Skyfall théorise le problème de son héros qui, pendant les 2 heures et 23 minutes que dure son aventure, ne cesse de railler la technologie moderne pour lui préférer l’artisanat d’antan, moque internet et défend mordicus les méthodes old school. Vieille rengaine technophobe, un peu réac', qui nous assène, avec élégance, mais nous assène tout de même, que c’était mieux avant.

Dans le cas de la licence Bond, ce revirement idéologique se comprend : après tout, qu’est‑ce que Bond aujourd’hui, sinon un fonds de commerce lucratif (5 milliards de dollars rapportés depuis 1962) qui a plus un passé à faire fructifier qu’un avenir à construire ?

Mais James Bond n’est pas ringard. Il est vintage. Et ça change tout.

sur les réseaux
proposer une vidéo
test
blu-ray
cover
Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
01/03/2013
image
BD-50, 143', toutes zones
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Allemand DTS 5.1
Espagnol Dolby Digital 5.1
Portugais Dolby Digital 5.1
Hindi Dolby Digital 5.1
Turc Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, anglais, espagnol, néerlandais, allemand, portugais, hongrois, grec, indonésien, malais, slovène, hindi, turc, vietnamien
10
10
image
Un mot : wahou ! Sam Mendes a la classe et ça se voit à l'écran, à chaque instant. Que ce soit le sublime générique onirique simulant la mort de Bond de manière subjective (signé Daniel Kleinman), l'ambiance brûlante et solaire d'Istanbul (la poursuite à moto sur les toits est une prouesse technique tant son tournage en de multiples sessions a donné du fil à retordre aux coloristes), le combat en ombres chinoises sur fond d'idéogrammes fluo et de méduses géantes à Shanghai, l'arrivée de Bond ultra‑classieuse dans le casino de Macau, l'ambiance so british de l'ancienne demeure familiale (dénommée Skyfall), en encore la froideur des bureaux high‑tech de MI6 : on en prend littéralement plein les yeux et tout s'harmonise à la perfection. Iconisé à mort et toujours tiré à quatre épingles, Bond traverse les univers avec la dextérité et le style qu'on lui connaît. À l'écran, le voyage est sublime : raffiné, super défini, nuancé (la première apparition de Bond à l'écran est volontairement floue), en bref, d'une grande beauté. Et pour cause, capté en HD (caméra Red pour certaines scènes d'action et même en 5K pour les scènes aériennes), puis passé en 4K, le film est sans doute le plus beau graphiquement de tous les opus. Les amateurs de 35 mm peuvent remballer leurs arguments. Mission réussie. Haut la main.
10
10
son
Une bande‑son au diapason de l'image signée Thomas Newman, qui n'hésite pas à aller voir du côté de Bernard Herrmann (le compositeur attitré d'Alfred Hitchcock) pour certaines séquences délicates et tendues (notamment celle des ascenseurs calquée sur Vertigo), et à lâcher les watts sur les scènes d'action, qui feront déferler des vagues de graves dans le salon. Les amateurs de VF (il y en a et il ne faut pas les oublier) seront aux anges avec un DTS mi‑débit qui tient la dragée haute à sa consœur HD. Malgré ses petits 750 Kbps, la dynamique, la puissance, la richesse des ambiances, la localisation des sons et le souci du détail sont préservés. D'ailleurs, les mixages VF/VO sont identiques sur les deux pistes. Mais c'est indéniable, la VO DTS-HD Master Audio 5.1 la surpasse en tout. On monte carrément d'un gros cran en présence, en spatialisation, en impact des graves, en sensation et en immersion. Tout est plus chaud, plus profond, plus dense. Avec un débit parfois supérieur à 5 Mbps, c'est juste mathématique.
7
10
bonus
- Commentaires audio du réalisateur
- Commentaires audio des producteurs et du chef décorateur
- Filmer Bond : le générique, le retour de James Bond, la DB5, les femmes, le méchant, les lieux de tournage, la musique… (59')
- Avant-première de Skyfall à Londres au Royal Albert Hall (4')
- Bande-annonce originale
- Teaser sur la BO et l'orchestre (4')
Nous sommes loin des bonus du siècle, mais la simple présence du commentaire audio de Sam Mendes suffit à notre bonheur (celui des producteurs et du chef déco étant évidemment moins personnels et cinéphiles : en gros, ils adorent toutes les scènes). Sam Mendes avoue d'ailleurs hésiter à révéler ses astuces et secrets de tournage, mais consent tout de même à nous livrer quelques pépites. Posé et soucieux du détail, il revient sur ses références (Chinatown de Polanski, Vertigo de Hitchcock…), sur les différents lieux de tournage parfois surprenants (qu'est‑ce qui a été en fait en studio, sur fond vert, etc.), sur les scènes d'action dont il n'est pas spécialiste, sur ses partis pris esthétiques (Shanghai, les ombres chinoises, les reflets, la méduse géante dansant sur les immeubles…) et, bien sûr, les comédiens et le jeu. On apprend notamment que c'est Javier Bardem qui a eu l'idée de se transformer physiquement, de se teindre en blond et de s'accoutrer de la sorte. Mendes pensait lui dire non une fois le résultat parachevé, mais s'est ravisé devant l'évidence de son personnage, sorte de double maléfique de Bond. Il avoue par contre avoir poussé Bardem dans ses retranchements pour la scène « gay » du film (caresser les jambes de Bond, son torse frissonnant). Hommage aussi à la réplique de Bond à l'issue de cette séquence, signée du scénariste John Logan : « Hm. What makes you think this is my first time ? ». Le teaser géant de près d'heure heure, malgré son côté promo évident, dévoile pas mal d'images de tournage et révèle notamment les dessous de conception du sublime générique d'ouverture (la mort onirique de Bond, filmée d'un point de vue subjectif).
en plus
soutenir
Recevez l’actualité tech et culture sur la Newsletter cesar
Inscrivez-vous
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !