The Host
À Séoul, Gang‑du (Song Kang‑ho) tient un petit snack au bord de la rivière où il vit avec sa famille. Un jour, il voit une créature monstrueuse et immense sortir de la rivière, détruisant tout sur son passage. Avec son père, son frère et sa sœur, il va devoir toutefois aller l’affronter, car celle-ci a kidnappé sa fille unique. Mais c’est sans compter l’intervention de l’armée américaine qui met tout le monde en quarantaine prétextant un virus…
Un hôte cinéma
The Host, troisième long métrage du réalisateur Bong Joon‑ho, n’est pas forcément celui qui le fit remarquer par la critique, puisqu’il suit de trois ans le génial Memories of Murder, mais c’est sans conteste le film qui le fit connaître du plus grand nombre. Près de vingt ans après sa sortie, si sa force et sa modernité sont toujours aussi prégnantes, ce qui frappe, c’est que le film est déjà un condensé du style très personnel de son auteur. On y trouve les prémisses de Okja bien sûr, le thème de la famille de Mother, le politique de Snowpiercer et surtout le mélange des genres propre à Parasite (Palme d’or 2019). En 2006, Bong Joon‑ho nous écrivait avec The Host sa lettre d’intention, mais personne ne l’avait vue !
Sous ses airs de film de genre au postulat classique, The Host (le bien nommé) recèle toutes les obsessions de Bong Joon‑ho et paraît au final bien plus profond qu'on ne pouvait l'imaginer. Si le discours écologique du film à peine voilé est une référence directe au kaijū eiga japonais (« cinéma des monstres »), The Host est avant tout une dénonciation franche de l’ingérence américaine au sein de la société coréenne et de ses ravages. Pour la génération post‑pandémie, il a également un petit côté prédictif assez jubilatoire…
En filigrane, The Host évoque essentiellement une société intergénérationnelle, une véritable satire qui nous rappelle que la réussite sociale est de moins en moins accessible et que l’entraide est la seule solution. Enfin, et c’est sans doute en quoi le film est remarquable, The Host est surtout une comédie loufoque qui lorgne vers les premiers délires de Takeshi Kitano.
Un film pas bête
On pourrait énumérer à l’envi les qualités du scénario du film, ce serait sûrement oublier ses qualités formelles indéniables. Car The Host allie fond et forme. Vingt ans après, la créature marine a sans doute pris un petit coup de pixel, mais elle reste impressionnante. Non, ce qui frappe, ce sont la construction des plans et le choix des décors, l’esthétisme général, ses sur‑cadrages récurents, la verticalité des décors qui oppose en permanence visuellement le monde d’en haut (les puissants) et celui d’en bas (les égouts), les structures rectilignes des poutrelles du pont et les constructions bétonnées des égouts face à la difformité tout en rondeur de la bête.
Avec ce film, Bong Joon‑ho pose les bases de ce qu’il réussira merveilleusement avec Parasite : un film à la fois divertissant et esthétisant où la marginalité devient une force. La mise en scène est au cordeau, imaginative et rythmée, totalement au service du film dans le seul but d’orienter le regard du spectateur pour jouer avec lui à coups de ruptures de ton, de hors cadre et d’autodérision parfois déroutante.
Host en couleurs !
Considérer The Host juste comme une simple série B divertissante serait une erreur, mais pourquoi pas après tout. Il peut très bien se regarder comme tel, sans forcément tout intellectualiser. C’est d'ailleurs en cela que le film est un petit chef‑d'œuvre. Au final, le film cultive l’inattendu et pourra forcément rebuter le spectateur qui s’attend à Godzilla à la sauce coréenne. Il est bien plus malin que cela, encore faut‑il s’en apercevoir…