par Jean-Baptiste Thoret
05 février 2013 - 14h47

Savages

année
2012
Réalisateur
InterprètesTaylor Kitsch, Aaron Taylor-Johnson, Blake Lively, Benicio Del Toro, Salma Hayek, John Travolta, Emile Hirsch
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

On commençait (un peu) à désespérer de voir un jour Oliver Stone retrouver le chemin et la fougue de ses meilleurs films. Savages brise à coup sûr une série (un peu noire) de films ‑World Trade Center, W., Wall Street 2‑ dans lesquels le réalisateur de Platoon voulait visiblement et d’abord dire quelque chose, sur le monde, l’Amérique, le capitalisme, l’héroïsme individuel, oubliant que sa qualité première, la raison pour laquelle il fut, au moins au cours des années 1990, aux avant‑postes du cinéma hollywoodien, résidait dans sa rage iconoclaste, son plaisir foutraque de filmer tout et même n’importe quoi, de régurgiter sur grand écran ce flux d’images laides et obscènes, sérielles et sans conscience qui tapissent nos rétines cathodisées, qu’il s’agisse des corps musculeux s’entrechoquant en Dolby Surround et au ralenti dans L’enfer du dimanche, de l’érotisme poisseux dans U‑Turn ou encore de l’esthétique MTV mixée à la sauce soap‑opéra dans Natural Born Killers, son manifeste.

Avec Savages, Oliver Stone semble avoir retrouvé le plaisir de filmer, une gourmandise parfois roublarde qui transpire à chaque plan, et cette obsession d’extraire la trivialité des images que nous consommons et qui constitue la matière première de ses meilleurs films. Au fond, rien de plus Stone que son scénario de Scarface, avec ses montagnes de coke, ses bimbos azimutées, les chemises à fleurs et les cigares de Tony Montana, révélateur génial de la vulgarité des Eighties reaganiennes.

De la même façon que Natural Born Killers fut en son temps, 1994, un formidable thermomètre de l’état des images de la décennie et de notre rapport à elles, quelque part entre la fascination, l’hypnose et l’indifférence, Savages saisit à merveille l’humeur contemporaine, recrachant pêle‑mêle la violence cool et gore des films d’action latino (de Machette à Bad Ass), l’univers faussement transgressif des séries post‑ados (Taylor Kitsch sort de la catastrophe John Carter et Blake Lively de Gossip Girl), cette ironie tarantinesque qui innerve désormais le moindre gangster‑movie de série, le jeu petit malin avec les récits (voir la double fin du film) et cette photo orangée qui ferait passer n’importe quel bled de la planète pour un coin de paradis digne de Miami Beach. Il est d’ailleurs symptomatique de constater qu’Harmony Korine, dans son prochain film, Spring Breakers, dresse à peu près le même constat avec des armes esthétiques très proches.

Ce dont parle le film (adapté d’un best‑seller éponyme de Don Winslow) importe finalement peu : Chon, un jeune vétéran de la guerre d’Irak, et Ben, un botaniste idéaliste, coulent des jours heureux entre O, une jeune fille à papa qu’ils se partagent, et leur commerce d’herbe, la meilleure produite en quantité artisanale dans leur petit paradis de Laguna, Californie. Mais un jour, une vidéo sanglante (une bande de dealers mexicains décapités) débarque sur leur ordinateur. Le message, clair, vient d’Elena, la patronne d’un cartel mexicain : le partage du marché ou la mort.

Savages, c’est Jules et Jim confronté à la dure loi de ce cartel mondialisé (de ce point de vue, Savages dit bien mieux ce que Wall Street 2 martelait péniblement) dirigé par une Cruella ébène, Salma Hayek, qui depuis sa panic room, fixe le cours de la drogue, joue au yo‑yo avec ses actions et administre des sentences entre deux coupes de champagne. Son homme de main, son Sicario (revoir en passant le formidable doc éponyme de Gianfranco Rosi), c’est Lado (Benicio Del Toro, génial) qui, à bord de sa charrette fantôme relookée en 4x4 farci d’instruments de torture, exécute les basses besognes (décapitations, mutilations, balles dans les genoux et cuisson au pneu) avec un plaisir raspoutinien qui évoque le Mitchum de La nuit du chasseur, mais sous l’emprise de la marijuana.

sur les réseaux
proposer une vidéo
test
blu-ray
cover
- de 12 ans
Prix : 24,99 €
disponibilité
13/02/2013
image
BD-50, 131', zone B
2.35
HD 1 080p (VC-1)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
10
10
image
Cela fait un petit moment que nous n'avions pas vu une image aussi belle, aussi travaillée, aussi contrastée, aussi « stone » (planante). À la fois léchée et explosive, ensoleillée et sombre, ciselée et clinquante (que dire des costumes !), c'est tout ce que l'on aime. Du bustier turquoise hyper‑vulgaire de Salama Hayek aux plages de la Californie gorgées de soleil et de surfeurs, en passant les zones désertiques et les caches miteuses, le film regorge de trouvailles esthétiques et de partis pris assumés. Avec ses quelques passages en N&B et ce style indéniable, voici une image calibrée pour nos écrans HD, classe et chaude comme la braise.
10
10
son
Une bande-son au diapason qui enchaîne les sensations sur la scène frontale (très active), le caisson (avec quelques moments particulièrement percutants comme le braquage ou l'échange de prisonniers) et les enceintes arrière, avec une spatialisation qui fait feu de tout bois (hélico, impact des balles et autres joyeusetés, cris…). Sans jamais en faire des tonnes, Savages lâche les watts, s'applique à donner du relief à la moindre scène et joue à fond la spatialisation des ambiances et de la musique. Excellent en VO comme en VF, mais pour le jeu des comédiens, pas d'hésitation possible…
8
10
bonus
- Commentaires audio d'Oliver Stone
- Commentaires audio du producteur, co-scénariste, auteur du roman et chef déco
- Making of (33')
- Avant-première du film à Paris (septembre 2012) (12')
- Conférence de presse parisienne (septembre 2012) (14')
- Bande-annonce
Carton plein ou presque côté bonus avec des commentaires audio à savourer absolument, un making of classique mais non dénué d'intérêt (pour cause d'interdiction dans la plupart des États aux USA, l'équipe déco a dû reconstituer en soie et en papier tous les plants de cannabis montrés dans le film… et ça fait un paquet), et deux bonus tournés à Paris. Deux événements (avant‑première du film et conférence de presse) au cours desquels Olivier Stone, comme à son habitude, ne pratique pas la langue de bois. Quel plaisir. Sacré bonhomme.
en plus
soutenir
Recevez l’actualité tech et culture sur la Newsletter cesar
Inscrivez-vous
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !