Millénium : les hommes qui n'aimaient pas les femmes
Après The Social Network et sa mise en pièces du fondateur de Facebook, David Fincher a donc choisi d’adapter la trilogie de Stieg Larsson. Pourquoi pas ?
Seulement voilà, Fincher, forcément sensible aux thèmes développés dans le roman (paranoïa, critique de la corruption, marginalité de l’individu…) fut doublé par Niels Arden Oplev qui, en 2008, avait déjà porté à l’écran, et plutôt honnêtement (voir ici), l’histoire de Michael Blomqvist et de Lisbeth Salander, hacker tatouée interprétée par Noomi Rapace, dont le rôle mit sa carrière sur orbite. L’homme qui n’aimait pas les femmes arrive donc trop tard, sauf à penser que le marché américain a boudé les films d’Oplev, dans l’attente d’une version anglaise de ce best‑seller mondial.
Moins une adaptation nouvelle qu’un démarquage exact du film de 2008, le Millénium de Fincher, pour raffiné et mieux filmé qu’il soit, n’est qu’un remake inutile dont on peine à saisir la visée. On y perd pas au change (même si Daniel Craig, avec son assurance post‑Bond, manque de cette fragilité qui caractérisait le jeu de Michael Nyqvist), mais on y gagne pas grand‑chose. L’histoire est la même (un riche industriel suédois engage un journaliste d’investigation afin que celui‑ci enquête sur une disparition non élucidée), le scénario aussi, même si l’on entre plus vite dans le vif du sujet, perdant au passage ce mystère lié à la personnalité des deux personnages principaux du film.
Reste le style de Fincher, ce mélange d’élégance glacée, de vernis punk et de violence subite qui, malheureusement, ne s’exprime qu’au compte‑goutte : lors du générique, magnifique, et d’une séquence de métro, au cours de laquelle Fincher saisit l’animalité viscérale qui émane du personnage de Salander.
Au fond, Millénium ne permettra pas de départager ceux qui considèrent David Fincher comme l’un des créateurs les plus inventifs de Hollywood (Zodiac), de ceux qui ne voient en lui qu’un maître du clip signant des films malins, manipulateurs, mais vides de sens (Seven). À vous de choisir.