Livide
En Bretagne, lors de la nuit de Halloween, Lucie, son petit ami et le frère de celui‑ci décident qu'ils en ont assez de mener une vie sans espoir de changement. Pour eux, le chemin vers une existence meilleure pourrait passer par la maison de Déborah Jessel, une vieille dame dans le coma dont le corps végète dans une grande demeure isolée au milieu des bois. Selon une légende locale, la bâtisse cacherait un trésor...
On se souvient encore du premier coup d'éclat de Julien Maury et Alexandre Bustillo : leur À l'intérieur avait frappé les esprits par son mélange de gore extrême et de mélancolie macabre. Un premier essai plus remarqué à Hollywood qu'en France, puisque les deux réalisateurs ont été approchés par les frères Weinstein, qui leur ont proposé plusieurs projets, dont le remake de Hellraiser.
Mais le duo a finalement décidé de se concentrer sur un projet plus original, ce Livide, donc, qu'a d'abord voulu produire Robert Rodriguez (Sin City, Planète terreur). Mais c'est finalement avec des capitaux bien français (même si plus modestes) que Livide a pris vie.
Et malgré les limitations budgétaires, qui se sont surtout traduites selon les cinéastes par des contraintes de planning, difficile de nier que le film a « de la gueule ». La photographie nocturne est splendide, l'aspect gothique de l'intérieur de la maison de Jessel se traduit par un travail minutieux sur la décoration (le film a d'ailleurs gagné le prix du meilleur « production design » au prestigieux Festival de Sitges), et les idées visuelles abondent (les animaux empaillés, les jeux de lumière dans sa salle de « saignée »…). Maury et Bustillo prouvent donc que le genre français peut faire preuve d'une certaine ambition visuelle, même avec des moyens limités.
Dommage cependant que le scénario pâtisse d'une interprétation souvent hésitante, et que les saillies oniriques de la narration semblent quelque peu déconnectées du récit, alors qu'une progression plus organique vers un univers fantasy aurait encore accru la puissance du film.
Mais en l'état, avec son mélange de légendes bretonnes, de maison hantée, de gore viscéral, d'habiles références au genre et de poésie mortifère (le tout appuyé par une magnifique musique de Raphaël Gesqua), Livide est une proposition de cinéma assez singulière dans notre beau pays, pour que chacun lui laisse sa chance.