Scarface
1983. Après une poignée de films culte (Phantom of the Paradise, Carrie, Pulsions), Brian De Palma délaisse l’héritage hitchcockien et se lance dans le remake de Scarface, l’un des sommets du film noir réalisé par Howard Hawks en 1931. Mais loin de se contenter d’une adaptation fidèle, Brian De Palma, qui déteste la version de Hawks, et Oliver Stone (scénariste du film), vont signer une œuvre exaltée et excessive, flamboyante et sauvage.
À travers l’histoire de Tony Montana (Al Pacino), réfugié cubain désireux de vivre coûte que coûte et jusqu’au bout le rêve américain, Scarface constitue une critique virulente des valeurs fondatrices des États‑Unis. L’argent, le pouvoir, les femmes faciles… Tony Montana veut tout ! Son envie d’atteindre le sommet est telle (le film s’achève symboliquement par sa chute dans une fontaine surplombée d’un globe sur lequel est écrit : « The World is Yours ») qu’il mettra tout en œuvre pour y parvenir. Tout (la drogue, le meurtre, les trafics) à l’exception de l’assassinat des enfants d’un diplomate, séquence‑clé du film, refus qui sera à l’origine de son déclin.
Al Pacino livre sans doute l’une de ses performances les plus ahurissantes : cabot, téméraire, paranoïaque, il finit la tête plongée dans une montagne de coke avant de lutter seul contre une armée d’assaillants dans sa villa de Miami. Le jeu de Pacino, progression inexorable vers une hystérie qui le perdra, rappelle moins celui de Paul Muni (le Scarface de Hawks) que celui de James Cagney (acteur préféré de Kubrick), interprète proche du délire dans L’enfer est à lui de Raoul Walsh.
Mis en musique par Giorgio Moroder (Flashdance), compositeur phare des années 80, Scarface déroule les séquences d’anthologie. Depuis l’éprouvant massacre à la tronçonneuse dans une baignoire de l’un des frères d’armes de Montana jusqu’au final, mélange de violence, de barbarie et de folie. C’est enfin le film qui révélera Michelle Pfeiffer, incarnant ici une camée de luxe livrant son corps au plus offrant. Un chef‑d’œuvre.