La conquête
On se demande pourquoi tant de mystère a entouré cette Conquête, comment la presse politique et people ont réussi à faire monter la mayonnaise autour du film de Xavier Durringer.
Ceux qui attendaient un film corrosif sur les coulisses de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, un objet inédit sur un président en exercice, en seront pour leurs frais. Politiquement, le film ne révèle rien, n’explique rien et s’attarde lourdement sur les déboires conjugaux d’un homme lâché par sa femme, Cécilia, à quelques mois du plus beau jour de sa vie. Premier plan de La conquête : on découvre Sarkozy dans la pénombre, avachi comme un boxeur sonné, le matin du deuxième tour de l’élection. Dans sa main gauche, une alliance qu’il manipule nerveusement et sur laquelle la caméra insiste lourdement.
Esthétiquement, Durringer ne s’en sort guère mieux, puisque le film oscille entre la sitcom (voir l’atroce musique de Nicola Piovani qui évoque à la fois le bal musette et ces démos entraînantes préenregistrées dans des claviers cheap) et la sage reconstitution d’images vues mille fois à la télévision, de l’intronisation de Sarko à la tête de l’UMP le 28 novembre 2004, à tous les épisodes médiatiques qui rythmèrent sa campagne de 2007 : le jogging, le vélo, la visite aux ouvriers, la « racaille »…
N’apportant rien de nouveau, ni sur le terrain des informations (le journaliste Michael Darmon, qui a suivi Sarkozy pendant toute la campagne, fut conseiller sur le film, sorte de sentinelle de petites histoires archiconnues, même par le moins averti des citoyens), ni sur celui de la fiction (le film ne sort jamais des clous des faits avérés et multi‑racontés, et n’invente rien qui puisse éclairer cette période d’un jour nouveau), La conquête s’en remet donc intégralement à la performance étonnante de ses acteurs, dont le parfait mimétisme (mentions spéciales à Podalydès/Sarko et Bernard Lecoq dans le rôle de Chirac) emprunte autant aux imitateurs de boulevard (à la réplique près) qu’aux Guignols.
Xavier Durringer a sans doute voulu filmer le contrechamp de la vie de Sarkozy mais semble ne s’être jamais rendu compte qu’avec lui, le contrechamp n’existe pas. Cette question du politique à l’heure de la transparence aurait pu élever le débat, mais ce n’est pas le sujet du film. On sent d'ailleurs bien que Durringer cherche sans cesse un angle d’attaque (le cynisme de Sarkozy, ses caprices, sa brutalité de parole, ses flatteries, sa connivence avec le milieu journalistique), mais finit par produire une extraordinaire sympathie avec cet homme qui, après tout, tient bon dans la tourmente, résiste à ceux qui veulent l’abattre (Villepin, le seul et unique personnage antipathique du film) et témoigne enfin, y compris dans ses travers, d’une véritable humanité.
On le sait, la caméra humanise toujours ceux qu’elle filme, mais il manque à La conquête cette réflexion politique grâce à laquelle Nanni Moretti, par exemple, avait pu contrebalancer la « sympathie » de Berlusconi dans Le Caïman.