Suite à vos nombreuses questions sur les rumeurs d’abandon de la technologie Oled par Sony (un sujet que l’on suit depuis le salon IFA de Berlin lors duquel nous avions eu de premiers bruissements à ce sujet de la part de confrères asiatiques), nous avons décidé de mener plus loin l’enquête afin de contextualiser ce qui se révèle être une évolution de stratégie de la part de Sony pour ses téléviseurs, et non un changement radical.
Comprenez par‑là que la gamme 2024 comptera toujours dans ses rangs des références TV Oled mais le vaisseau amiral ne sera plus forcément un modèle Oled, à tout le moins ce dernier partagera‑t‑il le rôle de locomotive avec une référence Mini LED. En effet, aux dernières nouvelles, la série A95L millésime 2023 (cf. photo ci‑dessous) ne serait pas renouvelée en 2024. Une façon pour la marque de positionner toujours au sommet de sa gamme la technologie Oled même si ses efforts ont été dédiés au Mini LED pour 2024. Explications.
Marché TV Oled, coup de frein brutal en 2023
Souvenez‑vous, dans l'une de nos précédentes publications dédiée à la sévère baisse du marché TV Oled en 2023 (cf. notre actualité Marché TV Oled 2023, de la baisse à la chute (‑24%)), nous concluions notre propos par des changements stratégiques majeurs en cours au sein des deux principaux fabricants de panneaux TV Oled, Samsung Display d'une part et LG Display d'autre part, mais aussi chez leurs clients (nous avions obtenu, en Off, quelques informations à ce sujet dès le mois d'octobre).
En voici la parfaite illustration avec la nouvelle stratégie mise en œuvre par Sony pour sa gamme TV 2024, qui mettra l'accent sur le Mini LED et non plus Oled comme les années précédentes (sauf surprise de dernière minute, problème d'industrialisation du nouveau composant Mini LED Sony par exemple). Si la chute du marché TV Oled observée en 2023 et ses perspectives 2024 peu enthousiasmantes, alors que le segment de marché Mini LED devrait doubler en volume, passant de 7% de part de marché en 2023 à 12%/15% en 2024, ne sont pas les seuls éléments en cause, ils participent néanmoins à la décision de Sony de s'intéresser de plus près à la technologie Mini LED.
Marché professionnel, le choix du LCD Dual Cell au détriment de l'Oled
On l'a dit, le choix de Sony de développer le Mini LED pour ses TV premium s'explique par plusieurs raisons. Outre une dynamique en berne du segment de marché TV Oled, la faute à des téléviseurs proposés à des tarifs jugés trop onéreux par les consommateurs (surtout en période d'inflation), il faut aussi mentionner l'évolution des créateurs de contenus de plus en plus désireux d'utiliser les nouvelles technologies mises à leur disposition. Parmi elles, l'émergence du HDR qui change radicalement les habitudes au sein des professionnels de l'image.
Au point que Sony Pro a abandonné la commercialisation de son moniteur de référence Oled, le BVM‑HX310, au pic lumineux limité à 1 000 nits, par un modèle LCD Dual Cell (deux dalles LCD assemblées pour renforcer les noirs au niveau de l'Oled) doté d'un pic lumineux à 4 000 nits, le BVM‑HX3110. Sony Pro suit ainsi l'évolution des intentions des réalisateurs et directeur de la photo qui souhaitent de plus en plus profiter d'une mastérisation HDR 4 000 nits de leurs œuvres. Dans un souci artistique d’abord, dans un souci de pérennité ensuite, afin de permettre leur exploitation future à travers de nombreux canaux de distribution de plus en plus qualitatifs (compatibles HDR par exemple), la TNT 4K étant le dernier en date avec un cahier des charges visant une diffusion jusqu’au HDR10 et Dolby Atmos. Bien évidemment, c'est impossible avec un moniteur Oled.
Voilà pourquoi cette technologie est aujourd'hui irrémédiablement et très rapidement boutée hors des studios professionnels. Et Sony Electronics, anticipant la mise à disposition grandissante d'œuvres mastérisées à 4 000 nits, mise donc sur la seule technologie capable d’afficher une telle luminosité sans réelles contraintes (disponible sur une large surface d’écran, pendant un important laps de temps et non quelques secondes…), le Mini LED.
Panneau TV Oled, Sony subit la politique tarifaire de ses fournisseurs LG Display et Samsung Display
Le coût d’acquisition d’un diffuseur par le consommateur est une autre raison expliquant le choix de Sony de privilégier le développement du Mini LED pour 2024. À taille égale et spécifications lumineuses au moins identiques, mais le plus souvent à l’avantage du Mini LED, ces téléviseurs sont largement plus accessibles que leurs homologues Oled, voir carrément abordables. Et si l’on ajoute la croissance des ventes des TV 75'' et plus, la guerre est perdue pour l’Oled.
En effet, plus la diagonale d’un panneau TV Oled est importante et plus son coût de production est élevé. LG Display, et dans une moindre mesure Samsung Display, n’ont toujours pas réussi après plus de dix ans pour le premier nommé, près de trois ans pour l’autre, à baisser drastiquement les coûts de revient de leur technologie Oled. Les fabricants de panneaux TV Oled limitent donc la taille de leurs dalles TV d’une part, le volume des plus grandes dalles d’autre part, conscients que des diagonales au‑delà de 77'' trouveront difficilement preneur pour cause de prix de vente trop élevé, donc peu ou pas concurrentiel avec les TV LCD Mini LED.
Bien sûr, du côté du LCD, le prix de revient des dalles est aussi dépendant de la diagonale mais dans une sensible moindre mesure. Alors que l’augmentation du prix d’un panneau TV LCD est proportionnelle au coût du pouce additionnel (10 pouces pour passer par exemple d’un 55'' à un 65''), elle est de type exponentielle sur l’Oled, d’autant plus sur les grandes tailles. Il faut aussi garder en tête que la concurrence est bien plus féroce sur les panneaux TV LCD grâce à de nombreux fabricants, d'où des prix d'achat de panneaux TV LCD moindres comparé à ceux Oled ou seuls LG Display et Samsung Display sont présents.
Technologie Mini LED, potentiel de développement plus important que l'Oled ?
Autre point intéressant, apparu dans nos échanges avec plusieurs ingénieurs au sein même des fabricants d’écrans (les usines en Corée du Sud, Chine et Taïwan) mais aussi des marques, le potentiel de développement général de la technologie Mini LED considéré plus important que celui des technologies Oled disponibles sur le marché, White Oled et QD Oled. Même si ces dernières ont encore une marge de progression (par exemple avec l'arrivée de l'émetteur bleu phosphorescent en lieu et place de l'émetteur fluorescent ou encore la simplification de la structure d’un panneau TV), elle serait limitée comparé à celle du Mini LED. En tout cas à coût raisonnable.
Un argument à rapprocher de la problématique du coût d’achat des consommateurs souhaitant acquérir des TV de plus en plus grande taille à un prix accessible. L’élasticité au prix reste forte sur le marché TV, seul un faible pourcentage de la population mondiale est prête à débourser une somme importante pour s’offrir un nouveau téléviseur.
Sony Mini LED, nouveau rétroéclairage développé avec la division Sony Semiconductor Solutions Group
Enfin, il est une autre raison primordiale dans le choix de Sony : la situation de la chaîne d'approvisionnement des dalles Oled. Depuis la vente en 2011 de la moitié de la co‑entreprise S‑LCD avec Samsung, le constructeur japonais n'a plus d'accès à ses panneaux TV. Ce qui est vrai pour le LCD l'est plus encore pour l'Oled. Si Sony assurait au Japon jusqu’à il y a peu une anecdotique production de dalles Oled RVB pour sa division pro (les moniteurs Oled utilisés au sein des studios pro, évoqués plus haut), le groupe nippon est obligé de s'approvisionner auprès des industriels coréens LG Display et Samsung Display pour ses téléviseurs.
Cette absence d'intégration verticale limite grandement la valeur ajoutée par Sony à ses téléviseurs. Même si Sony est connu pour son excellent traitement vidéo, un bon design et des capacités audio certaines, il reste difficile par exemple de différencier un TV Oled Samsung d'un Sony. De plus, Sony subit la loi commerciale de ses fournisseurs et achète assez cher ses panneaux Oled. En effectuant ce changement de pied, de l’Oled vers le Mini LED, et en développant son propre système de rétroéclairage avec l’aide de sa division Sony Semiconductor Solutions Group (cf. photo ci‑dessus publiée par nos confrères de Tomsguide), Sony va accroître sa rentabilité. En effet, Sony achètera uniquement l’élément Open Cell, soit la cellule sandwich composée de la couche de verre et de cristaux liquides, à un prix très compétitif. Sony ajoute ensuite son rétroéclairage. Au final, le coût de revient est sensiblement inférieur pour une marge améliorée. Autre avantage de la situation, Sony est maître du développement de son rétroéclairage, donc de sa qualité, un atout important permettant aux téléviseurs LCD Mini LED de la firme japonaise de se différencier plus facilement de ses concurrents, dotés des mêmes panneaux Open Cell.
Sony Mini LED, nouveau rétroéclairage avec contrôleur 22 bits
Pour info, le prototype de rétroéclairage Mini LED dévoilé par Sony à Tokyo est équipé d’un contrôleur LED 22 bits « maison », le plus petit au monde d'après le constructeur japonais. Dans les zones lumineuses de l'image, Sony déclare assurer une parfaite maîtrise des contrastes en graduant parfaitement l'énergie envoyée à chaque LED pour des dégradés parfaits et des détails plus nets (cf. photo ci‑dessous publiée par nos confrères Expertreviews).
De plus, le nouveau contrôleur de LED signé Sony vérifie que les LED fonctionnent toujours au maximum de leur possibilité pour chacune des images affichées à l’écran, en vérifiant leur parfaite tension (voltage constant) sensible à l'intensité du courant et à la température. Ainsi, chacune des LED fournit toujours le parfait niveau de luminosité demandé par le processeur. Au final, Sony est capable avec ce nouveau composant de gérer un nombre accru de zones pour la même consommation d'énergie.
Mais le nouveau contrôleur LED 22 bits Sony compte aussi des améliorations qui profitent aux zones noires de l'image en baissant drastiquement l'intensité du courant desdites zones, là où les systèmes classiques de rétroéclairage Mini LED, s'ils n'affichent rien dans les zones noires, consomment cependant autant d'énergie qu'une zone éclairée. En plus de ces améliorations, ce nouveau contrôleur assure un contrôle strict de la consommation (en éliminant le gaspillage à toutes les étapes du système de rétroéclairage) qui, forcément, apparaît nettement en baisse. C'est d'ailleurs le verdict fourni, lors d'une démonstration affichant une même source sur un TV Mini LED 65'' Sony X85L 2023, un TV Oled 65'' Sony A80L 2023 (en photo ci‑dessous) et le prototype Mini LED 65'' 2024, par trois wattmètres raccordés aux écrans. Le TV le plus frugal en la matière n'était autre que le prototype Mini LED 2024, en présence d'un signal HDR ou SDR.
Dernière précision, Sony devrait se montrer très intéressé par la technologie Ink‑Jet Printed Oled RVB, annoncée bien moins onéreuse à produire (cf. notre actualité CES 24 > TV Oled TCL (Ink‑Jet Printed RVB) : 55''/65'' en 2025, 77''/85''/98'' en 2026 ?). Outre un coût de revient moindre, si les performances sont au rendez‑vous et capables de rivaliser avec celles du Mini LED (ses dernières auront toutefois bien progressé d’ici l’arrivée prévue des premiers TV IJP Oled RVB en 2025), la tendance pourrait de nouveau s’inverser chez Sony (et sans doute chez d’autres…). Mais l’histoire de la technologie IJP Oled RVB reste à écrire.