En 2000, John Singleton faisait un sans‑faute en redonnant vie à Shaft, héros de la Blaxploitation des années 1971‑1978, période pendant laquelle de très nombreux films seront produits, réalisés et joués par les Noirs et entreront en force dans les salles obscures, après une période où ces derniers étaient cantonnés à des rôles de sous‑fifres naïfs, de serviteurs obéissants ou de musiciens sympathiques. Destiné à un public noir (black) et utilisant toutes les recettes du film populaire (exploitation movie), ce courant fut baptisé la Blaxploitation.
Blaxploitation, aux origines
Divers facteurs expliquent la naissance de ce phénomène, en premier lieu desquels le marché. À la fin des années 60, Hollywood, devant l'énorme succès du Lauréat de Mike Nichols avec Dustin Hoffman, réalise l'importance du public adolescent et va produire une quantité pléthorique de teenage movies. C'est l'époque de la contre‑culture, de la guerre du Vietnam, du Black Power, de la révolte des minorités et des affrontements dans les campus étudiants. Le public noir, littéralement cinéphage, va rapidement intéresser Hollywood, qui y voit de quoi honorer le Dieu Dollar. Le temps de Sidney Poitier, unique acteur de couleur parvenu à occuper le devant de la scène (au prix d'une intégration forcée), est révolu. Ce que veulent désormais les spectateurs, ce sont des films réalistes abordant leurs problèmes quotidiens et des acteurs porteurs d'une identification. C'est en 1971, alors que les studios tentent de mettre au point des recettes pour attirer les publics « minoritaires », qu'un certain Mario Van Peebles écrit et réalise Sweet Sweetback's Baadasssss Song (photo ci‑dessous). Produit avec des bouts de ficelles, le film fait date : c'est la première fois que l'on voit un acteur noir agressif et sexiste commettre des actes violents, lesquels sont justifiés par l'oppression de la communauté blanche. Le film obtient un succès considérable et constitue le déclic qui lança pour le bon le courant de la Blaxploitation.
Shaft et Issac Hayes
MGM sera le premier des studios à en tirer profit avec le cultissime Shaft de Gordon Parks. Richard Roundtree (qui endossera le rôle à deux reprises dans Shaft Big Score et Shaft in Africa), incarne un détective noir chargé de retrouver la fille d'un gangster. Peu importe le scénario, ce qui compte ici, c'est que le public afro‑américain n'a plus à s'identifier à Clint Eastwood dans Dirty Harry mais à un acteur noir. Se déroulant dans les bas‑fonds des quartiers noirs remplis de prostituées et de trafiquants de drogue, le film montre d'emblée la réalité d'une Amérique qu'Hollywood avait toujours passée sous silence. Un montage nerveux, une attitude violente envers les femmes blanches (ce qui, pour l'époque, constitue une révolution), une musique noire signée Issac Hayes (comme oublier son célèbre thème ?) et enfin des acteurs noirs dans la peau des héros, suffisent à faire de ce film un succès considérable, qui sauva MGM de la faillite.
Pam Grier, l'égérie noire Seventies
La recette désormais au point, sept ans durant, les films vont de multiplier. Ambiance glauque, sensualité exacerbée, violence sèche et permanente, les films se ressemblent et font sonner les tiroirs‑caisses. Mais les femmes noires ne sont pas en reste. Grâce à Pam Grier (en 1997, Quentin Tarantino lui offrait le rôle‑titre de Jackie Brown, photo ci‑dessous), elles prennent aussi leur revanche. Pam Grier devient l'égérie du cinéma noir. Dans Coffy (Jack Hill, 1973), et ensuite Foxy Brown (Jack Hill, 1974), Grier incarne la femme sauvage et solitaire qui règle ses comptes à coups de revolver et d'armes blanches, et qui n'hésite pas à castrer un homme si celui‑ci s'était montré incorrect. À partir de 1974, le nombre de films produits commence à baisser pour s'arrêter en 1978 avec The Wiz de Sidney Lumet qui sonna définitivement le glas du genre.
En 2000, Samuel L. Jackson reprend le rôle de Richard Roundtree dans Shaft, qui vient de faire son apparition en précommande aux USA au format 4K Ultra HD Blu‑Ray à la date d'aujourd'hui, 15 juin. Un événement à ne pas louper mais pas encore annoncé en France… À suivre.