À 85 ans, fort de son expérience, Ridley Scott ne s’est pas laissé impressionner par l'Empereur et sa légende en décidant de proposer une approche aussi singulière qu’originale du personnage. S’il s’attache bien à mettre en scène sa conquête acharnée du pouvoir, son ascension jusqu’à sa chute, il le fait uniquement via le prisme des rapports passionnels et tourmentés que Napoléon entretient avec Joséphine, le grand amour de sa vie. Le problème ‑et il est de taille‑ c’est que le scénario de David Scarpa s’embourbe dans un mélange des genres dont ni la relation Joséphine‑Napoléon, ni la conquête du pouvoir, n'est pleinement réussie.
Il faut dire que Scott n’est pas aidé par un Joaquin Phoenix neurasthénique et des dialogues pompeux déclamés dans des décors assez laids dans leur version numérique, qui font parfois penser à une mauvaise resuccée d'un clip de Mylène Farmer, où tout serait terne et sans chaleur.
À l'image comme dans le script, c’est Waterloo
La confusion des genres se poursuit lors de trois scènes de bataille qui ont beau être filmées avec une maestria vertigineuse à grand renfort de chevaux, de figurants et d’effets numériques, mais qui sont le reflet d’un joyeux foutoir où on ne sait plus qui fait quoi, avant de finir par s'en désintéresser tout court.
Historiquement, c’est Waterloo dans tous les sens du terme. Scott se moque plus ou moins de la véracité des faits (il l’a dit et répété à de nombreuses reprises, dont acte). Mais à force de ne pas vouloir glorifier le bilan militaire ou présenter Napoléon comme un stratège brillant et intelligent, il l’engonce dans un costume trop étroit d’où ne ressort que son côté ruffian, vulgaire avec son ego surdimensionné. Le personnage est tellement vidé de sa substance qu’on finit par se demander ce que Joséphine a bien pu lui trouver, et nous avec.
D’aucuns rétorqueront que le film dans sa version de 2h39, qui sort aujourd'hui 22 novembre au cinéma, pâtit de coupes et d’ellipses temporelles et que la version annoncée de 4 heures mettra tout le monde d’accord. Mais d’accord sur quoi ? Avec ce futur Director’s Cut, le film deviendra une grande fresque épique et personnelle, ou bien prolongera‑t‑elle l’ennui poli déjà ressenti lors du visionnage de cette version tronquée ? La seconde option nous semble la plus probable.
À l’instar de Stanley Kubrick, Ridley Scott n’aurait peut‑être pas dû faire son Napoléon et continuer à réaliser d'autres films formidables (Le dernier duel, Prometheus). Décidément, les grands réalisateurs n'ont pas de chance avec Napoléon. On attend fébrilement la série Napoléon développée par Steven Spielberg…