Lors d’un rassemblement avec le monde industriel de la télévision à Londres, le boss de Netflix Ted Sarandos a expliqué qu’il ne ressentait pas le besoin commercial de récupérer son investissement dans les salles de cinéma. Il précise : « Cela concerne uniquement Netflix mais nous pouvons dépenser 200 millions de dollars pour un film et avoir suffisamment d’audience pour le mettre directement sur Netflix sans essayer d’en récupérer une partie avec l’économie du cinéma, ce qui, je pense, est un moyen assez inefficace de distribuer certains films ».
On l'a compris, Netflix compte donc presque exclusivement sur ses revenus publicitaires et abonnements pour se financer. Il poursuit : « Aujourd’hui, nos abonnés peuvent regarder un monde de divertissement pour une fraction du prix d’un coffret des Soprano en 2007. Et ils n’ont pas besoin d’attendre deux mois pour que tous les épisodes d’une série sortent ou qu’un film termine son exploitation en salles. Le public ne se soucie pas du tout des fenêtres de visionnage, il n’en parle jamais au cours de dîners entre amis ».
Netflix, le McDo du cinéma ?
Sans doute, un point pour Sarandos. Mais ce qui serait bien aussi, c’est que lors du fameux dîner entre amis, il ne faille pas trois heures pour se mettre d’accord sur un truc sympa à regarder sur Netflix. Et il est aussi quasi certain que la plupart des films à 200 millions de dollars de Netflix n’auraient aucun succès s’ils sortaient en salles tant d’une part, ils ne visent pas le même public, d’autre part, ils sont loin d’avoir les mêmes exigences scénaristique et de production que la plupart des films américains à gros budget qui sortent en salle. C’est un peu comme si on disait que Red Notice (note 3/10 chez AVcesar) et Oppenheimer (note 8/10 chez AVcesar), c’est la même chose.
Ce serait un peu comme mettre en compétition un menu McDo et un menu 3 étoiles. Alors oui bien sûr, le cinéma et le streaming peuvent cohabiter, mais n’en déplaise à Monsieur Sarandos, ils ne vendent tout simplement pas la même chose et ne visent pas le même public.
L'infranchissable algorithme pour tous les « vrais » créatifs…
Et que dire de la ligne éditoriale de Netflix (si on peut appeler « algorithme » une ligne éditoriale) ? Entre le catalogue HBO/Max (chaîne qui a osé produire Les Soprano en 1999) et celui de Netflix, il n’y a quand même pas photo. Ce sont pourtant deux plateformes de streaming. Les choses seraient certainement différentes si, sur Netflix, les scénaristes étaient mieux payés, les producteurs mieux considérés, et si tout ne passait pas systématiquement par la case algorithme avant de recevoir un go des décideurs. Audace artistique et Netflix ont hélas encore beaucoup de mal à cohabiter. Si aujourd’hui, un scénariste amenait le projet Sopranos à Ted Sarandos, il n’est pas du tout certain que la série passe le cap de l'algorithme.
En France, n’en parlons même pas. Il faut carrément être spéléologue pour trouver un film ou une série française sympa produit par Netflix, et du même niveau des Soprano, c’est une ligne d’horizon qui s’éloigne de plus en plus au fur et à mesure que l’on avance dans le temps. Un fantasme, tout au plus… La réalité, c’est qu’entre faire du chiffre ou du bon cinéma, Netflix a choisi son camp. Alors oui le McDo c’est sympa, mais de temps en temps, un petit gastro ou du fait maison, ça ne se refuse pas.