le 02 juillet 2013 - 17h29

Éric Rochant

Depuis vingt ans, on attendait le retour cinématographie d’Éric Rochant dans le film d’espionnage. Récit d’un retour en forme du metteur en scène des Pariotes.
A
ric-rochant

 

Comment est né Möbius ?

 

J’ai demandé à ma femme ce qu’elle voulait ! Elle m’a répondu qu’elle aimerait bien que je fasse un film dans la veine des Enchaînés d’Hitchcock. Cette idée est restée dans ma tête. Puis mes producteurs, avec qui j’avais fait L’école pour tous en 2005, voulaient que je m’oriente vers un grand film d’espionnage. En clair, ils voulaient que je refasse Les patriotes. Le problème est que je ne voulais pas refaire la même chose. Finalement, j’ai mixé les deux idées : le film d’amour, car pour moi les Enchaînés est un film d’amour, et le film d’espionnage. C’est comme ça qu’est né Möbius.

 

Est-ce que la série Mafiosa a changé votre manière d’appréhender le scénario et les films ?

 

Oui. Ça a changé ma manière de travailler. J’ai tourné Les patriotes en 20 semaines et Möbius en 9 semaines et demie. On peut moduler cela en se disant que le premier dure 2h20 contre 1h45 pour le dernier, mais même à durée égale, je tourne plus rapidement et sans être malheureux. Car au final, je pense que le standing des Patriotes est le même que celui de Möbius. C’est ce que j’ai expérimenté sur Mafiosa : tourner à deux caméras, en peu de prises et avec énormément de plans.

 

Comment avez-vous « décroché » Jean Dujardin et Cécile de France ?

 

J’ai envoyé le scénario à l’un et à l’autre sans espérer qu’ils disent oui. Je ne les connaissais pas avant et je ne me faisais pas d’illusion. Jean Dujardin était déjà au firmament, et même si je me disais que ce serait bien qu’il le fasse, je ne me faisais pas d’illusion. Finalement, ça s’est fait très vite. Il a lu, il a aimé le scénario et il a souhaité me rencontrer : on a parlé et il a dit oui. Pour Cécile, c’est un peu pareil. Vous savez, ce sont des niveaux de notoriété où on n’est plus sûrs de rien. Je ne peux pas me dire au moment du scénario que je vais faire un film pour Jean Dujardin et Cécile de France, et hop, ils me tombent du ciel. Ça ne fonctionne pas du tout comme ça.

 

Qu’est‑ce qui, selon vous, a fait la différence ?

 

D’après ce qu’ils m’ont dit, c’est la qualité du scénario. Ensuite, Cécile a adoré le personnage féminin. Pour Jean, je crois que notre rencontre fut plaisante et décisive.

 

Comment avez‑vous appréhendé la première rencontre entre les deux personnages, essentiellement basée sur un jeu de regards ?

 

J’ai d’abord filmé la scène dans sa continuité. Et à chaque changement de plan, je tournais l’ensemble de la scène. Donc à chaque fois, les acteurs pouvaient vivre le truc. Ils avaient le temps. Je n’ai pas découpé comme on fait d’habitude au cinéma. J’ai tourné comme si c’était un plan‑séquence à chaque fois. Ensuite, il y a un gros travail sur la grammaire cinématographique : c’est‑à‑dire où placer sa caméra pour dire quoi ? Si on analyse bien la scène, on voit l’alternance des différents points de vue. Et enfin, il y a une dernière écriture de la scène au montage, qui permet de souligner en détail ce que l’on raconte.

 

Avez-vous pensé les scènes d’amour de la même façon ?

 

Avec ces scènes, je voulais vraiment émouvoir les spectateurs sur le plaisir féminin. D’une certaine manière, je voulais être du point de vue du personnage masculin qui est émerveillé par le plaisir qu’il procure à cette femme, et qu’il prend. Je savais très bien ce que je voulais de la part de Cécile et je lui ai parlé de ces scènes très tôt. Ces scènes sont particulièrement chorégraphiées, extrêmement maîtrisées et dirigées. Ensuite, c’est elle qui a intégré ce que je lui ai dit et a apporté des choses en plus.

 

La scène de l’ascenseur est la seule scène d’action du film. Comment l’avez‑vous mise en valeur ?

 

Malheureusement, je n’ai pas fait exactement ce que je voulais faire. Au départ, comme c’était une bagarre dans un ascenseur, ce qui m’intéressait, c’était de faire un plan‑séquence de toute la bagarre. Les deux comédiens ont beaucoup travaillé la chorégraphie avec des coachs pour pouvoir la faire parfaitement de manière fluide sur le plateau. Tout avait été préparé de façon très précise. Seulement, sur le tournage, je n’ai pas pu le faire en plan‑séquence car le comédien Aleksey Gorbunov était fatigué et n’arrivait pas à faire le plan en entier. Ça devenait dangereux et j’ai dû découper la scène.

 

Est-ce que la fin a fait débat au sein de l’équipe de production ?

 

Absolument pas. La fin du film est celle que je voulais. C’est amusant, on m’a posé la même question sur Les patriotes, en parlant d’arrêter le film plus tôt. Comme Les patriotes, je ne voulais pas arrêter le film à son moment le plus sombre. La fin de Möbius est de toute façon plus ouverte que celle des Patriotes.

 

Vos fameux tweets sur les aléas du tournage, pendant toute la confection du film, ont‑ils été salutaires pour vous, ou bien cela a plutôt créé quelques tensions avec la production ?

 

Ça a été tendu. À certains moments, effectivement, on m’a reproché d’avoir rendu les choses un peu compliquées en les rendant publiques. Ce n’était pas très grave. Mais il y a bien eu quelques moments de tension avec la production au moment du montage.

 

C’est-à-dire ?

 

Le processus de création est quelque chose de compliqué. Parfois, on est contents, d’autres fois, beaucoup moins et je n’ai pas voulu tricher sur les moments de colère avec mes producteurs. Quand on réalise, on n’aime pas la critique. On le fait même parfois savoir avec une certaine mauvaise foi. Mais il y a un temps pour la critique. Il y a même un ton pour la critique. Certains ne le faisaient pas au bon moment et pas avec le bon ton. Comme j’ai choisi de rendre compte de mon travail au jour le jour, je l’ai fait dans les bons jours comme dans les mauvais. Tout le monde a connu ça à un moment ou à un autre avec son producteur. Les rapports ne sont pas mauvais, ils sont tendus.

 

Regrettez-vous ?

 

Absolument pas !

 

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