le 08 avril 2025 - 16h01

Neil Druckmann et Halley Gross, écrire The Last of Us, c'est respecter les personnages

Neil Druckmannn, le créateur du jeu et de la série The Last of Us avec Craig Mazin, et Halley Gross, co‑scénariste de la saison 2, ont bien voulu répondre à quelques questions sur les dessous d'une adaptation sous haute tension attendue par des hordes de gamers et de fans. Le credo : une certaine forme d'artisanat, une vision, les meilleures équipes.

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Neil Druckmann et Halley Wegryn Gross à la Première de The Last of US saison 2 au TCL Chinese Theater Los Angeles, le 24 mars 2025 © Dave Starbuck / Imago / Alamy

Beaucoup de spectateurs ont déjà joué au jeu. Comment créer à nouveau la surprise dans la série ? Cela engendre‑t‑il des débats pendant l’écriture ?

 

Neil Druckmann : notre but n’est pas de surprendre à tout prix. On ne se dit jamais : comment piéger les fans ? Adapter un jeu vidéo en série demande forcément des ajustements. Certains éléments qui fonctionnent en gameplay deviennent longs ou plats à l’écran. Mais ces changements sont aussi des opportunités : étoffer les personnages, enrichir l’univers. Par exemple, Eugene, qui était secondaire dans le jeu, prend ici plus d’ampleur. Isaac aussi, incarné par Jeffrey Wright. Quant à nos discussions, ce ne sont pas vraiment des débats, mais des réflexions : quel choix sert au mieux l’histoire ?

 

Halley Gross : exactement. On n’est pas attachés de manière sacrée à ce qu’on a déjà fait. Ce qui nous guide, c’est plutôt : quelle est la meilleure version de l’histoire pour Joel ? Pour Ellie ? Si une idée plus forte se présente, on n’hésite pas. C’est une question de respect envers les personnages.

 

Visuellement, on sent que la production a franchi un cap cette saison. C’est vrai ?

Halley Gross : absolument. On a travaillé avec certains des meilleurs artistes au monde. Voir leur talent à l’œuvre, c’était une vraie leçon de créativité. Chaque détail est pensé pour rendre hommage à l’hostilité et à la beauté crue de l’univers de The Last of Us.

 

Neil Druckmann : un jour, on était sur le plateau de Jackson, cette ville entièrement construite pour la série ‑avec ses intérieurs, ses rues‑ et on a vu une scène où toute une partie partait en fumée. Ajoutez les cascades, les prothèses, les effets spéciaux en post‑prod… Le résultat est d’un niveau cinématographique. Certains viennent pour les personnages, d’autres pour l’action. Nous, on veut que tout serve l’histoire. C’est ce qui nous rend fiers.

 

Pourquoi avoir choisi Joe Pantoliano pour incarner Eugene ? Un choix inattendu !

Neil Druckmann : Craig (Mazin) aime surprendre avec le casting, en choisissant parfois des acteurs qu’on n’attend pas dans ce registre. Joe apporte une humanité, une touche d’humour, même dans les moments les plus sombres. Son personnage devient essentiel dans cette saison. Il nous fallait quelqu’un de solide pour porter ça, et son alchimie avec Pedro (Pascal) et Bella (Ramsey) est magnifique.

 

Dès l’épisode 1, on aborde la question d’accueillir ou non des survivants. Une métaphore politique ?

Neil Druckmann : clairement. The Last of Us pose une question centrale : jusqu’où va votre humanité ? Pour Joel, elle s’arrête à Ellie. Les Lucioles, eux, sacrifient une vie pour en sauver des milliers. C’est le dilemme du tramway. Cette saison, on applique ce questionnement à une communauté entière. Qu’est‑on prêt à sacrifier pour le bien du groupe ? Ce sont des dilemmes éternels, profondément humains.

 

La saison 1 a touché un public bien plus large que celui du jeu. Est‑ce que cela influence votre approche pour la suite ?

Halley Gross : c’est extrêmement touchant. Ma mère ne joue pas aux jeux vidéo, mais elle a découvert cette histoire via la série. C’est un récit profondément humain. On veut qu’il parle à tout le monde, joueurs ou non.

 

Neil Druckmann : quand on voit les chiffres ‑158 millions de vues pour la dernière bande‑annonce !‑ c’est vertigineux. Mais justement, ça nous pousse à rester fidèles à ce qu’on sait faire : raconter la meilleure histoire possible. On ne peut pas deviner ce que les gens attendent. Alors on suit notre instinct, et on vise l’excellence à tous les niveaux : casting, FX, maquillage… en espérant que le public suive.

 

Quelle était votre approche pour adapter l’expérience interactive du jeu à l’écran ?

Neil Druckmann : dans un jeu, c’est le joueur qui projette ses émotions. Il est actif dans les choix moraux. À l’écran, on n’a pas ça. Mais on a d’autres outils : on peut s’éloigner des protagonistes et suivre un personnage secondaire comme Isaac. Ça permet d’élargir le point de vue, de développer l’empathie. Chaque format a ses richesses. L’important, c’est de rester fidèle à l’esprit.

 

Quels ont été les plus grands défis créatifs pour élargir l’univers sans perdre le réalisme ?

Halley Gross : la structure a été le plus gros défi. Le jeu a une construction très spécifique. Avec la série, on peut explorer différents points de vue, jouer sur la narration. Il a fallu tout repenser dès le départ.

 

Neil Druckmann : et on savait que le récit du deuxième jeu ne tiendrait pas en une seule saison. Il a donc fallu tout planifier jusqu’à la fin, puis revenir en arrière pour découper l’histoire. Sept épisodes, c’était le bon format pour cette saison. On connaît la fin, mais on ne sait pas encore combien de saisons seront nécessaires. C’est un exercice nouveau et passionnant pour moi. 

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