La dernière fois que vous êtes venu en France pour présenter 20 minutes de Star Trek lors de sa sortie en salles, vous avez déclaré que vous n’étiez pas un fan de la série. 140 millions de dollars de budget plus tard, trois ans de votre vie, plusieurs mois de préparation, autant de tournage et une pression des fans énorme, pour quelqu’un qui n’est pas fan, vous ne vous êtes pas « un peu beaucoup investi » ?
Si vous m’aviez dit il y a trois ans, qu’un jour je réaliserais un Star Trek, j’aurais éclaté de rire. Au départ, il était uniquement question pour moi de produire le film. Je trouvais que c’était intéressant de travailler sur un sujet avec lequel je n’avais aucune connexion. Quand mes collaborateurs se sont mis au travail, il n’était pas encore question que je le réalise. Seulement, quand j’ai lu le scénario, je me suis dit : « Mon Dieu, il y a dans ce script tous les éléments qui font que j’aime le cinéma : des personnages forts, une histoire puissante, de la romance, de l’humour, de l’aventure et du suspense ». À ce moment-là, je me suis dit que si quelqu’un qui n’est pas un fan de Star Trek a envie de faire ce film, il devrait aussi avoir envie de le voir. C’est comme ça que je me suis lancé, et croyez-moi, j’ai été le premier surpris.
Quelle était la première chose que vous ne vouliez ne pas faire avec ce film ?
Je ne voulais pas que quelqu’un puisse croire que ce film était le résultat d’une décision cynique du studio d’exploiter une nouvelle fois la franchise. Je voulais offrir un nouveau regard. On a vu aussi tellement d’aventures qui se déroulent dans l’espace qu’il fallait que les personnages soient passionnants et que l’espace soit secondaire. Et puis je ne voulais surtout pas rater le casting.
Vous n’avez jamais regretté de ne pas avoir été un Trekkies ?
Pas du tout. Et au final, ça a été une bonne chose que je ne sois pas un Trekkie (un fan de Star Trek, NDLR), comme ça, je n’avais pas des références de dingue implantées dans le crâne, qui m’auraient empêché de me demander ce qui était le meilleur pour le film.
Comment avez-vous fait pour trouver le bon équilibre pour plaire aux fans et en même temps séduire ceux qui ne connaissent pas ou n’aiment tout simplement pas la franchise ?
C’est simple. Au départ de cette histoire, nous sommes cinq. Deux scénaristes, mes deux partenaires de production et moi-même. Un des scénaristes est un fan absolu de Star Trek, il est même amoureux de Star Trek. Et un de mes coproducteurs n’y connaît strictement rien, il n’a pas vu un seul épisode. À partir de là, nous avons dû trouver une histoire qui nous convienne à tous et ne laisse personne de côté. Ça a été la clé pour trouver le bon équilibre.
Léonard Nimoy était-il dans la première version du scénario ?
Oui, et pour une raison essentielle. Il fallait établir un pont entre ce qui nous inspirait -les personnages d’origine- et ce vers quoi nous allions : notre version des personnages. Une sorte de passage de relais. Je ne vous cache pas que c’était un peu téméraire de compter sur M. Nimoy dans le scénario sans même lui en avoir parlé auparavant. S’il avait dit non, on était « niqué ! ». Heureusement, il a dit oui.
Certainement parce que vous n’arriviez pas à contacter William Shatner…
(il rit jaune). J’aime beaucoup William Shatner, il est très drôle et j’adorerais travailler avec lui. Voilà la vérité sur ce qui s’est passé entre lui et moi… il est mort à l’écran ! Enfin, son personnage est mort dans un des précédents Star Trek ! De notre côté, on voulait être crédibles et logiques. Or, toutes les versions du scénario où il était vivant sonnaient comme des gimmicks. Ça se voyait vraiment qu’on essayait à tout prix de lui trouver une place. Et il a toujours dit qu’il refuserait de faire un simple cameo. Au cours d’une interview, j’ai raconté à peu près tout cela. Il l’a entendu et a cru que nous avions essayé de trouver un deal avec lui pour qu’il soit dans le film, mais que nous avions échoué. Du coup, il m’a parlé par You Tube. Et je vous jure que c’est très étrange de voir William Shatner qui vous parle via une caméra sur You tube. C’était vraiment ridicule ! Pour conclure, je l’ai eu au téléphone et tout va bien. Disons que dans une suite future, il devrait y avoir une place pour William Shatner. Mais pour ce film-là, ce n’était pas possible.
Faire de ce film une préquelle n’a jamais fait débat au sein de l’équipe ?
Ce n’est pas vraiment une préquelle. Car normalement, dans ce type de film, il n’y a pas de suspense. Vous savez que tout le monde survit. C’est un problème qu’ils ont eu sur Star Wars et la seconde trilogie. Je sais qu’Obi Wan survit, car j’ai déjà vu Alec Guinesse dans l’épisode IV. C’est pour cela que nous avons basé le scénario sur un univers parallèle via le voyage dans le temps. Ainsi, vous ne savez pas à l’avance ce qui peut arriver aux personnages. Tout est possible.
Le film s’inspire justement énormément de la première trilogie Star Wars…
Il n’est pas question pour moi de le nier. Je suis fan de Star Wars depuis ma plus tendre enfance, j’ai vu La guerre des étoiles à 11 ans et il y a certainement des références, même inconscientes. J’aurais pu très bien rester dans l’ombre de Star Wars et me dire que George Lucas avait déjà tout fait dans ses deux trilogies. Si vous mettez bout à bout tous les designs des vaisseaux spatiaux, tous les concepts de créatures, toutes les planètes, toutes les armes, etc., c’est de la folie pure. C’est tellement énorme que je ne pouvais pas lutter. Faire un space opera sans vouloir évoquer Star Wars aurait relevé de la dinguerie totale. Dans la moindre petite scène de Star Wars, il a de quoi fabriquer une douzaine de nouveaux sujets. Mais je n’allais pas pour autant me priver de mettre des créatures dans mon film ou d’utiliser la même technologie… Mon challenge était plus concentré sur la modernisation de Star Trek que sur l’émancipation de l’univers des Star Wars.
Si vous deviez changer une seule chose au long métrage aujourd’hui ?
Je changerais les acteurs qui font Kirk et Spoke (il éclate de rire)… Je rigole. Je ne changerais rien. Je ne dirais pas cela toujours, mais aujourd’hui, je n’ai aucun regret.
Parmi vos nombreuses activités, laquelle préférez-vous ?
Mettre en scène est une activité plus sociale, écrire est un travail solitaire et j’aime l’interaction entre les deux. En dirigeant les comédiens par exemple, vous voyez tout de suite si ce que vous avez couché sur le papier fonctionne… ou pas. Vous pouvez aussi avoir de belles surprises en découvrant l’imagination des comédiens à partir de votre scénario. Je crois que la mise en scène est la chose la plus passionnante à faire.