le 04 février 2009 - 14h33

J.J. Abrams

M:I:III, première incursion de J.J. Abrams sur grand écran après Alias et Lost. Le réalisateur succède ainsi avec brio à De Palma et Woo, tout en conservant sa propre identité. Pourtant, entre les impératifs de la saga et le producteur Tom Cruise, l'affaire s'annonçait périlleuse…

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La personnalité et le statut de Tom Cruise ont-ils influencé votre façon de travailler ?

 


J.J.A : je mentirais en affirmant le contraire.

 

Peut-on faire un parallèle entre la vie d’espion d’Ethan Hunt et le quotidien de Tom Cruise, la star ?

 


J.J.A : en écrivant le script, je savais qu’il y aurait dans le film un parallèle évident entre les deux. Le scénario établit une frontière très claire entre la vie personnelle d'une personne et son comportement à l’extérieur, au travail. Comment existe-t-elle dans le cadre de sa vie personnelle ? C’est un élément auquel je pensais avant même de rencontrer Tom Cruise.

 

Comment s’est passée votre première rencontre ?

 


J.J.A : lorsque nous nous sommes vus pour la première fois, je pensais avant tout à ce qu’il représentait, et non à l’homme. C’était une icône pour moi, pas un personnage réel. Alors que nous discutions ensemble depuis une heure, je l’ai coupé et je lui ai dit : « Mais tu es Tom Cruise ! Il s’est mis à rire. C’est trop bizarre, je suis en train de discuter avec toi comme je le ferais avec n’importe qui ! Mais qu’est-ce qui se passe ? ». Avant même tout ça, je pensais que Tom Cruise n’était pas de cette planète. Son image et son rayonnement dépassent l’entendement… Mais Tom s’est révélé adorable, drôle et à l’écoute. J’ai écrit le scénario en pensant à tout ce que je viens de vous dire.

 

Indépendamment de Tom Cruise, que signifie pour vous le fait de réaliser un épisode de Mission impossible ?

 


J.J.A : une fois que nous nous étions entendus avec Tom sur mon implication dans le film, j’étais très excité à l’idée de le mettre en scène. Si j’ai accepté, c’est aussi parce que ma version rêvée de Mission impossible n’avait pas encore été faite. Je n’avais pas vu le long métrage que je voulais voir quand je repensais au potentiel que proposait la série.

 

Quels souvenirs de la série originale avez-vous voulu retranscrire dans le long métrage ?

 


J.J.A : la série est pour moi un excellent souvenir d’enfance. Ce qui me plaît par-dessus tout dans le show, c’est l’esprit d’équipe qui y règne. Comment les interactions entre les personnages sont-elles traitées ? Ce genre de chose… Rien qu’à l’idée de voir les membres de cette équipe travailler ensemble, tous impliqués vers le même objectif, me fascine. Je pense que c’est un des éléments, un peu présent au tout début du premier Mission impossible, que j’ai réussi à ramener dans celui-là.

 

Quelles ont été les influences de Tom Cruise sur le scénario, ses recommandations ?

 


J.J.A : Tom Cruise, en plus d’être LA star du film, en est le producteur. Alors on peut légitimement se dire que son implication a été démesurée. Mais croyez-moi, sur ce coup-là, il a été fantastique. Il m’a dit : « Je suis acteur, tu es réalisateur, sois toi-même ». Pas une fois il n’a empiété sur mes prérogatives. Pas une fois. Il m’a laissé écrire le scénario avec mes scénaristes, il m’a laissé recruter les acteurs que je voulais embaucher, il m’a laissé amener mon équipe, les gens avec qui j’ai l’habitude de travailler. Il a dit oui à tout.

 

Vous semblez avoir une vraie affection pour le flash-back, que vous utilisez beaucoup dans Alias, Lost et M:I:III

 


J.J.A : une habitude pathétique (rires)… Je ne sais pas pourquoi, mais j’adore le flash-back et le flash-forward. J’aime écrire les histoires qui les utilisent. Une des raisons, c’est l’implication du spectateur dans le procédé. Il sait ce qui va se passer, mais il se demande comment on en est arrivé là et quelles sont les implications des autres personnages. Plus la scène est dramatique (dans Lost, c’est le crash ; dans Mission impossible, Ethan Hunt est dans une situation critique dès le prologue), plus les scènes de flash-back qui amènent à la situation dramatique de départ sont chargées de tension. Même les plus anodines. Quand Ethan est avec sa femme au lit, et que vous savez dans quelle situation ils vont se retrouver, vous êtes impliqué à 100 % dans le destin des deux héros. Et à chaque séquence, vous vous demandez quel morceau du puzzle va vous connecter à ce morceau que vous avez vu au début. Le flash-back et le flash-forward sont des procédés qui donnent une sorte de signature au film ou à une série. Ils chargent les scènes d’une émotion qui va bien au-delà de ce qui est en train de se passer. Ils rendent le spectateur actif. Ce dernier cherche sans arrêt à faire la connexion avec l’histoire, à lui trouver une signification avec la scène vue auparavant.

 

Avant vous, David Fincher et John Carnahan ont été pressentis pour le réaliser ce film. Vous êtes-vous intéressé à ce qu’ils avaient envisagé pour le scénario ?

 


J.J.A : je n’ai pas lu ce que David Fincher avait fait, j’ai simplement lu la version de Carnahan.

 

Et ?

 


J.J.A : c’était bien, c’était très bien écrit et très intense. Mais pour moi, ce n’était pas assez axé sur l’aspect personnel que je voulais donner à l’histoire. De plus, le travail d’équipe caractéristique de Mission impossible, que j’adore dans la série comme je vous le disais, n’était pas du tout présent dans le scénario. C’était une approche bien plus réaliste, bien plus noire que celle que je voulais faire. J’aurais certainement aimé voir cette version à l’écran, mais ce n’est pas ce que j'imaginais pour le film. Tom m’a demandé ce que je voulais faire. Je lui ai répondu que je souhaitais pousser l’aspect personnel de l’histoire, que je voulais avant tout m’intéresser à la vie privée d’Ethan.

 

Peut-on dire que Cruise vous a choisi avant tout pour votre capacité à raconter une histoire originale ? Depuis un moment, les bons scénarios se trouvent plus souvent sur le petit écran que sur le grand, et en matière de réalisation, il est de plus en plus difficile de surprendre au cinéma…

 


J.J.A : je pense que c’est vrai. De toute façon, il ne m’est pas venu une seule seconde à l’esprit que je pouvais rivaliser avec Brian De Palma et John Woo en termes de mise en scène. Au lieu de chercher à tout prix un point de vue esthétique, j’ai simplement eu envie de raconter l’histoire de la façon la plus efficace possible. Mon approche était avant tout émotionnelle avant d’être esthétique.

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