À quand remonte l'envie de faire ce film ?
Je ne sais pas vraiment. J’ai commencé à l’écrire avant que l’on me commande Le concile de Pierre. Donc au moins deux ans avant le tournage. Le processus a été assez long parce que l’histoire était complexe. Finalement, on a pris le temps qu’il fallait.
On a l’impression, après Le concile de Pierre, que vous avez souhaité passer à quelque chose de plus épuré ?
En termes d’image, oui, mais pas en termes de récit. La clef est un film extrêmement compliqué au niveau de son histoire. Par contre, je voulais un traitement beaucoup plus brut, sans arrière-plan, avec des cadres très serrés sur les personnages. Je voulais qu’on se concentre uniquement sur leur histoire.
Quel a été l’apport de votre coscénariste ?
Ce qui est assez compliqué aussi, c’est que j’écris sans plan. Quand je commence, je ne sais pas où je vais, ni ce que je vais raconter. J'ai une procédure d’écriture particulière. Je laisse instinctivement les personnages commander le récit. Pierre (Trividic, NDLR) a une écriture inverse. Il pense véritablement « histoire » et se demande sans arrêt ce qu'il est en train de raconter. Moi, j’ai tendance à savoir ce que je raconte une fois que c'est écrit. Donc là, on a essayé de se rejoindre sur des grands thèmes. À la fois celui de la maternité, de la paternité, mais aussi de la quête identitaire comme dans Cette femme-là et Une affaire privée. Il m’a aussi aidé d’une certaine façon à clarifier les choses. Pas en ce qui concerne la structure narrative, mais au niveau des enjeux des personnages. Il fallait faire ressortir une certaine dimension émotionnelle que j’ai tendance à masquer.
Comme décririez-vous votre univers ?
Je n’analyse pas mon travail. Je ne rationalise pas vraiment mes envies ni mes sentiments. Ce sont des choses qui me sont pratiquement étrangères une fois terminées. Quand je revois un de mes films, je remarque uniquement ce que j’ai raté. De temps en temps, je peux accrocher sur un passage, mais je ne prends jamais de plaisir.
Pourquoi avoir choisi Guillaume Canet ?
C’est une question de feeling. Lorsque je l’ai rencontré, quelque chose a stimulé mon imaginaire. Même chose avec Josiane sur Cette femme-là. Sans la rencontrer, je ne l’aurais peut-être pas choisie, même si j’avais beaucoup aimé sa prestation dans Trop belle pour toi. Et c’est la même chose avec tous les comédiens qui tournent avec moi.
Dans le making of du DVD, tous les comédiens évoquent votre façon particulière de les diriger (Guillaume Nicloux ne donne jamais de « top départ » pour une scène et ne dit jamais « couper » quand la scène est terminée, NDLR). Une méthode qui dérange tout le monde, sauf Thierry Lhermitte…
C’est peut-être inhabituel pour eux au début, mais après, je pense qu’ils s’en accommodent. Il s’agit juste d’essayer de ne pas intellectualiser la scène que nous sommes en train de tourner, et de laisser presque naturellement les situations et les gestes s’exprimer. Il n’y a pas forcément d’explication à donner. Il faut juste saisir le bon et le vrai moment.
Votre producteur dit de La clef que c’est votre meilleur film. Partagez-vous cet avis ?
Encore une fois, je n’ai pas d’avis là-dessus. Je pourrais vous parler du plaisir que j’ai eu à le faire, ça oui. J’ai même éprouvé un plaisir assez curieux après la sortie du Concile de Pierre, qui n’a pas marché en salles en France. Je retrouvais la joie de faire un film quasi expérimental avec énormément de liberté.