Qu’est‑ce qui vous a poussé à faire ce film ?
Au départ, c’est Thierry Lhermitte qui m’a appelé pour me dire de lire absolument un bouquin. Je l’ai lu. Et je dois dire que j’ai trouvé les trente premières pages assez fastidieuses, avec cette présentation frontale des personnages. Mais comme Thierry me l’avait chaudement recommandé, j’ai tenu bon et j’ai eu le déclic. J’ai adoré jusqu’à la fin, formidable.
Ensuite…
Avec Thierry, on a décidé de rencontrer l’auteur Laurent Chalumeau, puis de proposer le film à Alain Attal des Productions du Trésor, que je connais bien. C’est peut-être le quatrième ou cinquième projet que je lui présentais, sans succès jusque ici. Je me suis dit que celui-ci allait tomber aux oubliettes, mais j’ai quand même tenté le coup. Par amitié, il l’a lu, et trois jours plus tard, il me rappelait en me disant qu’il adorait, qu’il achetait les droits et qu’il donnait l’adaptation à Philippe Lefèbvre.
À ce moment-là, vous pensiez déjà au casting ?
Thierry Lhermitte bien sûr, mais aussi Guillaume Canet et Philippe Lellouche. Finalement, les rôles sont allés à Sami Bouajila et Fred Testot. Et le hasard a bien fait les choses, même si ça va un peu à l’encontre du livre, puisque Maurice le Siffleur vient davantage sur le devant de la scène. Tous les rôles secondaires ont aussi pris de l’ampleur. Et puis ce que proposaient Fred et Sami, c’était tellement inouï, que beaucoup de scènes ont été gardées.
Aviez-vous davantage de pression en ayant dès le départ soutenu le projet ?
De toute façon, dès que vous avez un rôle un peu important, vous avez énormément de pression. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu deux rôles en un. Armand d’un côté, le vieux, dont on a tourné toutes les scènes la première semaine, puis ensuite Maurice, avec sa teinture, son rasage et tout ça. Là, ça a été pénible… Au départ, ils n’étaient pas certains d’une scène et il fallait au moins garder la barbe au cas où. J’ai alors eu une espèce de teinture noire improbable et, en‑dessous, une barbe blanche. Le résultat était tellement épouvantable que je ne sortais même plus de chez moi, ou alors avec un bonnet !
Êtes-vous satisfait de l’adaptation ?
Tout à fait, d’autant plus que Philippe Lefèbvre a su transformer les trente pages que j’avais trouvées fastidieuses en d’excellentes séquences de présentation des personnages.
Pour vous, quelle est la plus grande surprise du film, Fred Testot ou Virginie Efira ?
Pour moi, c’est plus Fred que Virginie, qui a ici un rôle moins important. Cela dit, elle est juste formidable. Mais comme je suis très sensible à l’humour de Fred Testot, je me suis pris d’amitié pour lui et je trouve qu’il propose des choses invraisemblables. Il n’avait pas peur de faire des trucs de fou, et le résultat était toujours remarquable. Pour moi, c’est la véritable révélation du film. Non pas que Virginie n’en soit pas une, elle est parfaite mais, pour moi, Fred est un très très grand acteur.
Au moment de la promotion du film, dans une interview, vous avez cité Melville comme référence…
Non, alors là, c’est une erreur ! Je dis des conneries, mais pas celle‑là ! Parfois, vous savez, vous faites des interviews et plus tard vous lisez de ces trucs… Je me rappelle d’une interview avec le Nouvel Observateur. À l’époque, je fumais des Gitanes… détail qui a son importance… Le journaliste m’interviewe, et plus tard, je lis l’article : « D’un père arménien… » alors que mon père était russe, « et d’une mère Gitane ». Comment le mec a fait pour entendre et écrire ça ? À ce moment‑là, je tournais le Chabrol, L’ivresse du pouvoir, et la fille de Chabrol un jour me dit : « Ta mère est Gitane toi ? Et on père est Arménien ? ». Je ne comprenais rien… Ça m’a suivi très longtemps cette histoire. Même mon frère m’a reproché de dire trop de conneries dans mes interviews !