Pourquoi êtes-vous passé de l’écriture à la réalisation ?
Pour plusieurs raisons. L’envie de mettre en scène des événements que je connaissais bien et une histoire dans laquelle j’étais impliqué personnellement, un peu comme le chanteur qui interprète un texte et une musique qu’il a lui-même composés. Ensuite, le fait d’avoir souvent travaillé pour la télé et fait pas mal de plateaux en tant que conseiller. Enfin et surtout l'aide d’un ami, le coproducteur du film, qui m’a poussé et épaulé.
Quelles sont les qualités que doit avoir un réalisateur avant de passer à l’action ?
Hormis le goût du cinéma et l’envie de raconter une histoire, je dirais le fait d’être impliqué dans son sujet et de bien le connaître. Ce qui était mon cas. Ensuite savoir s’entourer. Lorsque le casting est réussi, 50 % de la mise en scène est faite, et lorsqu’on est entouré d’une équipe technique béton, on a les 50 % restants. Après avoir bien travaillé en amont avec tout le monde, le metteur en scène doit juste garder le cap.
En quoi votre passé de fonctionnaire de police était-il une valeur ajoutée dans ce projet ?
Quand on a été flic et qu’on a eu comme moi la chance de travailler dans des services pointus, on sait que pour mener une mission à bien, il faut savoir s’entourer de collaborateurs de confiance. Des gens qui permettront de faire face aux imprévus calmement et de les gérer efficacement. Celui qui mène la barque ne sait pas tout faire, mais il peut compter sur ses fidèles pour améliorer les choses et éventuellement rectifier les conneries qu’il s’apprête à faire.
À l’inverse, la frustration de ne pas pouvoir tout montrer était-elle un handicap (les codes cinématographiques n’étant pas toujours en phase avec la réalité…) ?
N’ayant jamais fait d’école de cinéma, je n’ai qu’un rapport lointain avec les « codes » cinématographiques. Quand une histoire tient la route, que le film a été bien préparé et qu’on a une bonne équipe, on peut se passer de pas mal de connaissances livresques ou théoriques. Faire un film, c’est avant tout raconter une histoire et en donner sa vision. De plus, à part le Code Pénal, je n'en connais aucun qui ne puisse être transgressé.
Beaucoup de critiques n’ont pas été tendres, notamment au sujet du traitement de l’histoire et de la pertinence de la réalisation. Dans quelle mesure ces critiques s’arrêtent d’être constructives pour devenir destructrices ?
Le dilemme est éternel et ne m’empêche pas de dormir. Si tout le monde, public y compris, avait trouvé le film à chier, j’aurais tiré ma révérence. Mais cela n’a pas été le cas. On ne peut pas attirer 1 million de personnes avec un mauvais film. Quant au jugement de valeur de telle ou telle critique sur tel ou tel aspect du film, je l'écoute mais je réponds avec une sérénité proche de la béatitude que les critiques ne font qu’interpréter le cinéma. Ce qui compte, c’est d’en faire.
Au cours d’une interview au moment de la sortie du film en salles, vous avez déclaré que vous souhaitiez filmer l’histoire de Contre-enquête avec sobriété, pudeur et retenue, et que 36, quai des Orfèvres, que vous avez pourtant coécrit, était aux antipodes de ce que vous vouliez faire. Pouvez-vous préciser votre pensée ?
Je voulais dire que je ne pouvais pas aborder et filmer Contre-enquête comme avait été abordé et filmé 36, quai des Orfèvres. Bien qu’étant toutes les deux profondément ancrées dans le réel, les deux histoires n’ont pas grand-chose en commun. Avec 36, on est dans le polar pur et dur. Ça défouraille, ça flingue, ça trahit, ça meurt et j’adore ça. Dans Contre-enquête, on est davantage dans le thriller que dans le polar. L’histoire du père est aussi importante que celle du flic. Le traitement et la mise en scène ne pouvaient donc pas être identiques. Et tant mieux, sinon, on me l’aurait reproché.
36, quai des Orfèvres a confirmé que le polar avait la cote auprès du public. De nombreux projets se sont montés sur le succès du film. Pensez-vous que ce soit une tendance, une mode éphémère ou une véritable résurrection du genre ?
Les modes ne sont qu’un éternel recommencement. Je note juste que le cinéma français a longtemps été considéré comme une référence du genre et que cela était moins vrai depuis quelque temps. Aujourd’hui, de plus en plus de scénaristes et de réalisateurs de films policiers travaillent en étroite collaboration avec des flics. Tous les bons polars français de ces vingt dernières années ont été écrits avec des flics qui étaient également sur les plateaux en tant que conseillers. Cela va forcément dans le bon sens, mais on ne fait maintenant que ce que d’autres, comme les Anglo-Saxons, ont pigé depuis longtemps. En matière de polar, vraisemblance et fiction ne sont pas antinomiques mais complémentaires.
Quels sont vos polars de référence ? Et dans quelle mouvance s’inscrit Contre-enquête ?
Je n’ai pas de référence universelle, mais lorsque je préparais le tournage, mes films de chevet étaient Mystic River, The Pledge et History of Violence. Des films forts mis en scène avec une grande sobriété et une grande pudeur. En les regardant, je me disais que c’était ça que je voulais faire, un film sobre qui donnerait la priorité aux comédiens et pas aux mouvements de caméra. Et quand j’y réfléchissais, je me disais que j’étais dingue d’imaginer me comparer à ces mecs-là. Pour ce qui est de la mouvance, je crois que Contre-enquête peut s’inscrire dans celle des films qui parlent aux gens. C’est ma mouvance préférée.
Maintenant que vous avez mis en scène un premier long métrage, quel regard portez-vous sur les précédents films auxquels vous avez participé en tant que « simple auteur » ?
Maintenant que je connais le parcours du combattant auquel tout réalisateur doit se livrer pour voir aboutir son projet, je porte vraiment un regard plein de compassion.