À quel moment du développement de la série êtes‑vous arrivé ?
Quand je suis arrivé, cela faisait plus de deux ans que le projet avait démarré. La production était alors un peu à l’arrêt. Ils avaient vu Simon Werner à disparu…, mon premier film, et ils se sont dit que je pouvais être une solution. Pour ma part, je trouvais que le point de départ de la série était génial. J’avais d’ailleurs beaucoup aimé le film de Robin Campillo, au postulat identique.
En quoi a consisté votre travail ?
Ils m’ont proposé de lire ce qui avait été imaginé par les différents scénaristes. Ça partait un peu dans plein de directions différentes. Du coup, j’ai pioché un peu partout des idées. Certaines ont été reprises, d’autres non. Puis j’ai commencé à écrire. Un premier épisode d’abord, pour essayer de trouver le ton, les personnages, les décors, bref, tout ce qui est important pour un pilote. Puis j’ai présenté ce premier script à Canal+. Ils ont aimé. C’était parti.
Qu’est-ce qui, selon vous, a « débloqué » les choses ?
Certains scénaristes étaient partis sur un retour de revenants massif, au fond, quelque chose de très fantastique. D’autres, à l’opposé, étaient partis dans une direction beaucoup plus intimiste centrée sur les personnages. En fait, ce que je leur ai proposé, c’est de commencer par de l’intime et de progressivement toucher au fantastique.
Comment Emmanuel Carrère (auteur de La moustache) arrive-t-il sur le projet pour vous aider dans l’écriture ?
Caroline Benjo, la productrice de la série, avait proposé le projet il y a des années à Emmanuel Carrère qui, à l’époque, ne pouvait pas. Elle avait donc déjà envisagé de travailler avec lui, et quand elle m’a proposé une collaboration, j’ai immédiatement accepté. J’adore ce qu’il écrit, et ensuite, je ne savais pas à quel point il était calé en littérature fantastique. Il a lu les deux premiers épisodes que j’avais écrits, et ça l’a emballé. On a travaillé ensemble pendant cinq mois tous les jours pour développer le squelette de la série. Emmanuel disait que plus on allait prendre notre temps et ralentir le rythme, plus on allait être paradoxalement passionnant. Il avait parfaitement raison.
Pendant cette phase d’écriture, pensez-vous déjà à la réalisation ?
Dès le moment où j’ai expliqué à Canal+ ce vers quoi je voulais aller, je pensais déjà à la réalisation. J’avais des références très visuelles comme les photos du photographe américain Gregory Crewdson, ou encore Morse, un film suédois de Tomas Alfredson, qui se réapproprie le mythe du vampire. Shining fait également partie des œuvres marquantes pour sa tension permanente. Je tenais à cette idée de décors filmés de manière particulière, pour que l’étrange puisse surgir d’un environnement ordinaire. Je me suis rendu compte, avec Emmanuel, que le fait de coller aux personnages, de ne pas les lâcher pendant assez longtemps, comme les retrouvailles entre Camille et Claire, allait impliquer une mise en scène assez fluide où l’on scrute les personnages.
Et la musique ?
On a cherché la musique alors que l’on était encore en écriture et en pleine phase de casting. Je pensais que la musique était un véritable personnage déterminant pour créer la série. Mogwai est la première piste à avoir été envisagée. J’adore leur travail sur Zidane, un portrait du XXIe siècle. On leur a envoyé deux ou trois épisodes traduits, indiqué des références et la façon dont j’avais envie qu’ils travaillent. Très vite, ils ont été intéressés et nous ont envoyé des thèmes. Du coup, on a pu écouter leur musique pendant les répétitions, et il n’y a rien de plus parlant que la musique pour expliquer aux comédiens, aux chefs opérateurs et aux personnes des décors, une certaine ambiance. Bref, Mogwai a bercé tout le tournage !
Avez-vous eu les moyens nécessaires pour faire véritablement ce que vous aviez imaginé ?
Oui, on a eu le temps qu’il fallait. On a eu un peu plus de 100 jours de tournage et 11 millions d’euros de budget.
Avez-vous été libre de faire ce que vous vouliez ?
Sur tous les points. Que ce soit l’écriture ou le casting, avant et après le tournage… En fait, Canal+ nous a même encouragés à prendre des risques.
Surpris par le succès ?
Oui, parce que c’est une série fantastique et que ça peut rebuter pas mal de gens. C’est aussi une série avec un rythme très lent ‑mais indispensable‑ en comparaison des séries actuelles. Je n’avais donc absolument aucun point de comparaison et aucune certitude sur l’accueil du public.
Comprenez-vous que certaines personnes aient pu être déçues par le dernier épisode ?
Je peux comprendre. On voulait vraiment que l’épisode 8 soit radicalement différent du premier. Que les spectateurs, comme les personnages, puissent accepter des choses qu’ils n’auraient pas acceptées au début de la saison. L’ambition était de jouer avec le genre et le fantastique. Le seul élément vraiment fantastique au début de la série, c’est le retour des morts qui, en plus, ne sachant pas qu’ils sont morts, aspirent à une vie normale. Petit à petit, l’étrange et le complexe prennent le dessus et tous les personnages, comme les spectateurs, sont en quête de sens. Puis la série prend un tournant de plus en plus crépusculaire.
Risqué…
Oui, mais tout était risqué dans les Revenants. Il fallait aller au bout de cette idée. Alors bien sûr, tout le monde ne peut pas adhérer. Même en le tournant, je me suis rendu compte qu’on était en train de faire quelque chose d’ambitieux mais aussi de « casse‑gueule ».
Avez-vous vraiment toutes les réponses à ce que vous avez mis en place dans la saison 1 pour la saison 2 ?
Canal+ voulait au moins une seconde saison, et je l’ai su très vite. Le problème n’est pas d’avoir des explications à ce qui se passe, mais de savoir comment les raconter, pour ne pas être trop explicatif tout de suite, ennuyant ou décevant. Donc prendre notre temps a été une bonne chose. Ce qui me paraissait important dans la saison 1, c’était de montrer comment les morts reviennent et sont acceptés par les vivants. Le personnage de Claire est le fil conducteur de cette saison : elle est prête à tout accepter pour que son enfant ne reparte jamais. La question du retour des morts est une question très complexe et on doit prendre son temps pour l’expliquer. Mais j’espère aussi que toute la série ne tourne pas autour de cette seule question. Au début, on se demande s’ils vont pouvoir reprendre une vie normale, et à la fin de la saison, on se rend compte que c’est impossible. Quand on a commencé à travailler sur la saison 2, il y a trois semaines, on s’est dit qu’on avait encore beaucoup de choses à raconter et qu’on avait beaucoup de matière.
Combien de temps doit durer la série ?
Idéalement, je pense que Les revenants ne devrait pas durer trop longtemps, je ne veux pas décevoir comme Lost a pu faire en étant un peu poussif. Je pense que trois saisons, ce serrait bien.